En s'installant à Arles, Van Gogh découvre la couleur, ce Japon qu'il aime tant. De son côté, à Pont-Aven, Gauguin développe son uvre, « se trouve » enfin, lui qui a abordé la peinture si tard et a été si long à parcourir le chemin de l'impressionnisme. Il commence à jouer le rôle d'un initiateur, s'entoure de toute une cour de jeunes peintres. Ce sera l'Ecole de Pont-Aven.
De toute son âme, Vincent Van Gogh l'invite à venir le rejoindre dans la fameuse Maison Jaune qu'il prépare pour sa venue avec des soins d'amoureux. La rencontre, qui devait être l'assise d'une sorte d'atelier du sud, tourne court, très vite. Tout les oppose. Vincent Van Gogh est un passionné, il peint avec une spontanéité effroyable, vertigineuse, maladive, Gauguin est réfléchi, un rien sentencieux, soucieux d'harmonie et non de sensation.
Discoureurs l'un et l'autre (leur correspondance abondante et fourmillant d'idées en témoigne), ils découvrent l'importance de leurs divergences. Ni leurs références, ni leurs conceptions ne s'accordent. L'un invoque Daumier, Millet, l'autre Ingres, Puvis de Chavannes. C'est la rencontre de l'eau et du feu.
Ils tentent pourtant, avec une bonne volonté inspirée par l'estime qu'ils se portent mutuellement, en peignant au coude à coude, de mieux se rencontrer sur le terrain de la peinture. La confrontation des uvres qui en résultent montre bien qu'ils ne pouvaient se comprendre, même s'ils témoignent d'une bonne volonté dont certaines uvres portent l'empreinte.
Dynamiteurs
La différence des tempéraments qui décident du style de leur peinture, est trop grande pour qu'aucun ne cède devant l'autre. La Provence de Gauguin ressemble à la Bretagne qu'il vient de quitter, celle de Van Gogh est déjà sous le feu de sa folie. Mais l'un et l'autre, dans ce drame de la distance qu'ils se découvrent, annoncent l'art à venir, le préparent. Ils sont, avec Cézanne, dans sa solitude bourrue d'Aix-en-Provence, les dynamiteurs des académismes et les précurseurs de tout l'art moderne. Toutes les écoles qui vont suivre se réfèrent à eux. C'est de leur différence même que naît la richesse de l'art du XXe siècle. Leur tentative est vraiment une rencontre au sommet. De l'art, de l'esprit, de la modernité.
Unique et magistrale l'idée d'avoir restitué par la confrontation des uvres qui en découlent, l'histoire de ces quelques semaines électriques. L'un et l'autre ne l'oublieront plus jamais. On a là une des plus fabuleuses pages de l'histoire de l'art dans ses rapports avec les hommes qui le font.
C'est bien une des découvertes de l'art moderne de reconnaître l'importance de l'auteur et d'admettre que l'art est avant tout le miroir du créateur. Alors que la peinture académique fonctionne grâce à des recettes que l'on se repasse de génération en génération, comme de bons artisans, l'art, tel qu'il est vécu par des artistes comme Van Gogh est Gauguin, devient l'aventure d'un homme. L'un et l'autre lui donnent une dimension mystique. Ils savent que leur peinture contient un message. Essentiel. Et chacun a sa vérité. Il la défend jusqu'à la mort. Il est remarquable de noter qu'ils se sont, l'un et l'autre, donnés à leur uvre jusqu'au martyr. Ils sont entrés dans le Panthéon de l'histoire de l'art. Le culte qu'ils suscitent aujourd'hui est bien la conséquence de cet engagement. On a là une belle leçon. L'art est une affaire sérieuse. Pathétique. Ceux qui s'y risquent, risquent de s'y perdre.
Van Gogh-Gauguin. Van Gogh Museum, Amsterdam. Jusqu'au 2 juin. Tous les jours de 9 h à 21 h, le lundi et le jeudi jusqu'à 18 h. Prix d'entrée : adultes 13 euros, de 13 à 17 ans 9 euros, jusqu'à 12 ans gratuit.
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