Depuis les années soixante-dix, le diagnostic prénatal des anomalies chromosomiques fait appel au caryotype, c'est-à-dire à l'analyse complète des chromosomes après mise en culture des cellules fœtales. Sur les milliers d'amniocentèses pratiquées chaque année, 7 % environ révèlent une anomalie chromosomique, le plus souvent une trisomie 13 (syndrome de Patau), 18 (syndrome d'Edwards), 21 (syndrome de Down) ou un nombre anormal de chromosomes sexuels (syndrome de Turner ou de Klinefelter).
La trisomie 21 est une cause connue de retard de développement, de cardiopathie et de sévères difficultés d'apprentissage. Les deux autres trisomies s'accompagnent de multiples anomalies congénitales qui conduisent généralement au décès dans la période néonatale. Si le caryotype est la méthode de référence absolue, il n'est pas sans poser le problème du délai avant obtention des résultats, 13 ou 14 jours en moyenne. La procédure passe, en effet, par la mise en culture du liquide d'amniocentèse, la récolte des cellules en division, la coloration après digestion enzymatique et l'analyse par un observateur entraîné des bandes de couleurs des chromosomes.
Les chromosomes 13, 18 et 21
Bien que des progrès substantiels aient été réalisés en trente ans, le délai moyen d'obtention est toujours compris entre 7 et 22 jours. On comprend que des techniques d'identification rapide du nombre de copies des chromosomes 13, 18 et 21 (voire des chromosomes sexuels) suscitent un intérêt croissant. Les efforts se sont concentrés initialement sur une technique faisant appel à l'hybridation in situ assortie d'une interphase fluorescente. Mais la lourdeur tant technique qu'économique d'une telle méthode ne permet pas de l'utiliser pour toutes les femmes. Les seuls échantillons prénataux sur lesquels l'hybridation a été pratiquée, pour rassurer rapidement les mères, concernaient des grossesses avec échographie anormale. L'autre technique, qui fait l'objet d'une importante publication dans le « Lancet », est une méthode de détection par PCR couplée à une quantification de la fluorescence des séquences de bases présentes sur les chromosomes 13, 18, 21. Cette PCR avec fluorescence avait déjà démontré sa capacité à mettre en évidence les trisomies autosomiques qui comptent pour 80 % des anomalies chromosomiques significatives. Restait donc à la tester dans des conditions « ordinaires » de laboratoire, sur un grand nombre d'amniocentèses et en comparaison des résultats du caryotype.
D'avril 2000 à 2001, 1 148 prélèvements de liquide amniotique, 188 de villosités chorioniques et 37 de tissus fœtaux ont été adressés au centre de diagnostic génétique du NHS (National Health Service) à Londres. Les amniocentèses avaient été pratiquées pour les motifs habituels et à des âges gestationnels compris entre 10 et 32 semaines. Sans entrer dans le détail, à partir d'un tube unique, les trois principales trisomies autosomiques étaient détectées grâce à la quantification des séquences répétées de nucléotides présents sur les chromosomes 21, 18, 13. Les chromosomes sexuels étaient également identifiés par une paire de bases primaires. Après extraction de l'ADN, une amplification par PCR était pratiquée, puis certaines régions clés des chromosomes à étudier étaient marquées par fluorescence. L'analyse informatisée des séquences donnait le résultat final, à savoir l'existence ou non d'une trisomie autosomique ou d'une mosaïque. Tous les prélèvements étaient parallèlement mis en culture afin de comparer la sensibilité et la spécificité de la PCR à la méthode de référence (caryotype).
Obtention du résultat en 1,25 jour, en moyenne
Aucun échec de la méthode d'amplification n'a été relevé. Les résultats qui portent sur 98 % des échantillons prénataux (les 2 % restant n'ayant pas pu être utilisés du fait d'une contamination par des cellules maternelles) sont excellents. Les anomalies retrouvées : un cas de mosaïque sur du tissu chorionique et deux cas de trisomie autosomique étaient parfaitement superposables aux résultats des caryotypes. En outre, aucun faux positif ou faux négatif n'était à déplorer. Durant les quatre derniers mois de l'étude (les plus opérationnels), le délai moyen d'obtention du résultat était de 1,25 jour.
Les généticiens anglais ont fait une belle démonstration de la faisabilité du test de PCR qu'ils considèrent comme une avancée majeure dans la rationalisation des services prénataux. Certes, expliquent les auteurs, cela va demander de former des équipes et, dans un premier temps du moins, d'envoyer tous les prélèvements amniotiques dans un laboratoire centralisé. Mais passé cette période de mise en route, la réduction du coût du dépistage serait conséquente et près de 40 000 femmes par an en Angleterre n'auraient plus à attendre de deux à trois semaines le résultat de leur caryotype. Autant de stress en moins et d'attente injustifiée en cas de décision d'interruption thérapeutique de grossesse. En Angleterre comme en France, le diagnostic prénatal des anomalies chromosomiques est proposé en cas d'anomalie du test sérique, d'un âge avancé, d'une anomalie échographique, d'un antécédent familial ou du portage d'un remaniement chromosomique chez l'un des parents.
Kathy Mann et coll., « The Lancet », vol. 358, 29 septembre 2001.
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