MÉDECINS, SAGES-FEMMES et infirmiers ont vocation à oeuvrer pour le bien-être des patients, tout en respectant l'éthique. Or ces professionnels peuvent rencontrer des difficultés, notamment en prison, dans des centres de rétention, voire en milieu psychiatrique (hospitalisation sous contrainte). Utilisés parfois, de manière informelle, comme des auxiliaires de la justice, au nom de la protection de la société, «ils risquent de subir des pressions visant à les rendre complices ou à couvrir certains abus», met en garde la commission santé d'Amnesty International France, qui appelle à une «implication et (à une) sensibilisation des soignants dans la défense des droits de l'homme».
«Nous relayons, sur le territoire national, la campagne d'Amnesty consistant à encourager les professionnels de santé à prendre soin des droits humains, développée depuis 2006 à travers le monde», explique au « Quotidien » le Dr Jacqueline Baltagi, membre de la commission santé. «Concrètement, notre message, à l'adresse des organismes professionnels et des pouvoirs publics, est d'éviter que le soignant soit l'otage de mauvais traitements ou d'actes de torture infligés à des personnes en situation de privation de liberté. Ces dernières, dans le cadre du colloque singulier, constituent des patients à part entière, conformément aux codes de déontologie des médecins et des sages-femmes et aux textes internationaux en ce qui concerne les infirmiers*. Comme l'ont signifié les instances ordinales nationales, dans les années 2003-2004, on ne peut pas demander à un praticien de rédiger un certificat médical reconnaissant qu'un sans-papiers est en état de supporter une expulsion du territoire, alors qu'il ne sait pas dans quelles conditions l'opération va se dérouler (mesures de contention, etc.).»
Un module dans la formation des infirmières.
Un soignant dans l'exercice de ses fonctions se doit de ne « jamais déroger à l'intérêt de son patient ». Dans cet esprit, la commission suggère que soit intégré dans le module d'éthique de l'enseignement initial des infirmières de 2e année un volet intitulé « Prendre soin des droits humains »**, comprenant les violences faites aux femmes (détection), précise son président le Dr Daniel Layani. « L'indépendance professionnelle du soignant », qui mérite d'être constamment réaffirmée, est la clé d'une pratique soignante respectueuse de la personne humaine, souligne Amnesty. La vigilance reste de mise, insiste le Dr Baltagi, qui regrette que l'Observatoire international des prisons, tout récemment privé de fonds publics, n'ait pas été choisi pour assurer les futures fonctions de Contrôleur général des quelque 5 800 lieux de privation de liberté (loi du 31 octobre 2007). «Enfin, nous espérons que cette autorité, qualifiée d'“indépendante” par le législateur, dont la mission participe de nos préoccupations, aura la liberté et les moyens financiers d'intervenir partout et à tout moment*** pour veiller à la bientraitance des détenus, gardés à vue, hospitalisés d'office et autres personnes dans les dépôts des tribunaux, zones d'attente des aéroports et centres de rétention.»
* En France, les infirmiers viennent de se doter d'un ordre (loi du 21 décembre 2006), en voie de constitution (arrêté du 13 mars 2008 relatif aux élections).
* Titre d'un rapport, disponible sur www.amnesty.fr (tél. 01.53.38.65.77), au même titre que « Codes d'éthique et textes internationaux destinés aux professions de santé ».
*** Le Contrôleur général, dont la nomination par voie de décret présidentiel est imminente, devrait disposer d'un budget de 2,5 millions d'euros et de 40 collaborateurs.
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