REFERENCE
De Prague aux tropiques
Décrite pour la première fois par Lambl en 1859 à Prague, l'amibiase est une protozoose cosmopolite dont la prédominance tropicale (90 % des cas) est plus le fait des conditions d'hygiène défavorables que des facteurs climatiques. Selon l'OMS, de 10 à 12 % de la population mondiale est infectée par cette parasitose prototype des maladies liées au péril fécal. Environ quarante millions de sujets présentent chaque année une atteinte colique ou extra-intestinale à l'origine de plus de 40 000 décès. Dans les régions tempérées, l'amibiase est surtout observée chez les migrants et les voyageurs au retour de zones d'endémie (risque estimé de 0,3 %), même si elle apparaît autochtone dans 5 à 10 % des cas. La prévalence élevée chez les homosexuels masculins asymptomatiques, comprise entre 15 et 30 %, est vraisemblablement liée à l'infection par Entamoeba dispar, non pathogène et que l'on ne pouvait différencier morphologiquement de Eh, jusqu'à l'identification récente de zymodèmes pathogènes, de l'ARN ribosomal et des antigènes spécifiques. La mise en évidence de ces caractères, réservée à quelques laboratoires, permet d'identifier si besoin est Entamoeba dispar pour les zymodèmes non pathogènes et Eh pour les seuls zymodèmes pathogènes.
Un cycle biologique simple, prolifique et résistant
Eh, seule espèce d'amibe pathogène pour l'homme (si l'on exclut les amibes du genre Naegleria responsables de méningo-encéphalites), se présente sous deux aspects morphologiques, une forme kystique immobile (de 10 à 25 μ) et une forme végétative mobile ou trophozoïte (de 10 à 60 μ). Le kyste résistant peut survivre plusieurs mois dans le milieu extérieur lorsque les conditions d'humidité et de température sont optimales, et constitue la forme de transmission et de contamination. Le cycle biologique est simple (figure 1) : le kyste ingéré perd sa coque dans l'intestin, se transforme en une masse plasmodiale évoluant en huit amoebules qui deviennent adultes ( Eh minuta) et vivent en saprophyte dans le côlon. L'amibe adulte peut redonner des kystes qui sont éliminés dans le milieu extérieur, réalisant ainsi le cycle non pathogène ou « amibiase infection ». Dans certaines conditions, Eh minuta se transforme en Eh histolytica qui exprime un pouvoir pathogène et devient agressive pour la muqueuse qu'elle envahit. Son aspect morphologique est différent par une plus grande taille, une mobilité plus importante et la présence d'hématies phagocytées dans le cytoplasme. On parle alors d'« amibiase maladie ». L'homme est considéré comme le seul réservoir de parasites et le porteur asymptomatique de kystes, dont le portage peut durer plusieurs années, est le véritable disséminateur de la maladie. La contamination s'effectue par ingestion d'eau et d'aliments souillés par les excrétas, ou, beaucoup plus rarement, par l'intermédiaire des mains. Une transmission vénérienne par contact oro-anal est également possible.
De l'amibiase infection à l'amibiase maladie
L'amibiase maladie regroupe des manifestations intestinales mais aussi extracoliques (1), qui sont la conséquence de l'embolisation d'amibes par voie portale à partir des lésions coliques (amibiase hépatique), d'une atteinte par contiguïté (amibiase pleuro-pulmonaire, péricardique et cutanée) ou par voie hématogène (amibiase cérébrale). Quelle que soit la topographie lésionnelle, la localisation colique reste une étape obligatoire de la maladie. Les facteurs de pathogénicité entraînant le passage de l'amibiase infection (90 % des cas) à l'amibiase maladie (10 % des cas) sont liés à l'hôte et surtout à l'équipement enzymatique du parasite lui-même. Les principaux facteurs de virulence des souches pathogènes sont la capacité d'adhésion à l'épithélium colique, la cytotoxicité de contact couplée au relargage de substances toxiques par les polynucléaires lysés par l'amibe, la sécrétion d'enzymes protéolytiques, la mobilité et le pouvoir de phagocytose. Progressant de proche en proche, l'amibe gagne la sous-muqueuse où elle détermine la formation d'abcès en « bouton de chemise » (figure 2) et peut disséminer.
Les facteurs humains font intervenir : une perturbation de la flore intestinale ; une pathologie colique préexistante ; la malnutrition ; l'immunodépression (corticothérapie notamment) ; la grossesse ou encore l'âge (jeune ou avancé), ces deux derniers paramètres paraissant impliqués dans la survenue de formes plus sévères. Le rôle de la réponse immunitaire humorale et cellulaire reste mal connu. Il se pourrait que l'amibe puisse échapper au système immunitaire grâce à des interactions étroites avec les bactéries de la flore intestinale dont elle se recouvre ou encore par un certain degré de similitude antigénique avec les glycoprotéines de surface des colonocytes. Elle est de plus capable de phagocyter les anticorps spécifiques et de résister à la lyse médiée par le complément.
(1) A paraître dans un prochain numéro du « Quotidien » (Amibiase extradigestive : diagnostic).
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