THERAPIES D'ANTAn
L'ipéca nature, dit « à la brésilienne », était déjà tombé en désuétude, car les infusions de racine d'ipéca (10 g de racine d'ipéca pour 250 g d'eau) étaient très mal supportées. Pourtant, fondées sur le même produit, les « pilules de Segond » étaient nettement mieux tolérées (poudre d'ipéca 0,05 g, calomel 0,02 g, extrait d'opium 0,01 g et miel blanc QS pour une pilule). L'ipéca a été aussi utilisé dans la pâte de Ravaut (sous nitrate de bismuth, poudre de charbon, glycérine, poudre d'ipéca) avec des résultats modérés.
D'autres plantes ont été préconisées selon les pays, avec des résultats divers. Le faux vernis du Japon (Atlanthus glandulosa) était utilisé en Chine : l'écorce de la racine était écrasée dans de l'eau et on absorbait cette « macération » dans un liquide chaud. Le Kho-sam (Brucea sumatra ou Brucea antidysenterica), dont l'amande était pulvérisée et amalgamée avec du miel, était proposé en Chine. En Amérique du Nord, on préférait les racines, les rameaux et les feuilles pulvérisées de Castela nicholsoni, à raison de 1 cuillère de décoction avant les trois repas, et un lavement matin et après-midi, le tout pendant 10 jours.
Les lavements ont été très longtemps recommandés, avec diverses préparations : nitrate d'argent (0,50 g/l), permanganate de potassium (0,50 g/l), liqueur de Labarraque (10 g/l), créosote 2 g dans 500 g d'eau, protargol 1 %, sucre de canne 30 %. Après un premier lavement évacuateur d'eau bouillie, ces différents lavements médicamenteux étaient donnés très lentement, le malade étant en position génu-pectorale.
Emétine et arsénobenzènes
Toutes ces médications semblent avoir été, en fait, des adjuvants de l'émétine et des arsénobenzènes. L'émétine, un des alcaloïdes de l'ipéca, découvert en 1817 par Pelletier et Magendie, a cependant provoqué quelques décès en raison de doses trop fortes. Les effets secondaires, nombreux ont été présentés au Congrès colonial de Marseille, en 1922 : insuffisance cardiaque (la spartéine est conseillée à titre préventif), spasmes respiratoires, paralysie flasque, difficulté à parler, mastiquer et avaler, asthénie générale, nausées, vomissements, syndrome dysentérique, oligurie insuffisance rénale. L'émétine devait être prescrite en injection sous-cutanée, mais ni par ingestion ni par lavement. La posologie variait de 0,06 g/j (une dose trop faible risquait de créer des « races d'amibes émétino-résistantes ») à 0,10 g/j (une dose trop forte entraînait les accidents précédemment cités).
L'iodure double d'émétine et de bismuth était administré per os en « pilules kératinisées » (3 pilules par jour). La dépression et les vomissements qui s'en suivaient était corrigés par de la teinture d'opium.
L'action de l'arsénobenzol a été décrite par Milian en 1912 qui, soignant avec ce produit un syphilitique atteint d'amibiase, avait constaté la guérison de l'amibiase. Ce produit était utilisé par voie intraveineuse, mais les échecs ont été nombreux et, par voie orale, il restait inefficace contre les kystes. Le stovarsol, en comprimé, préconisé par Marchoux en 1923, a donné de bons résultats.
Ravaut avait proposé une association de ces divers produits : une injection un jour sur quatre de novarsénobenzol et les trois autres jours une injection quotidienne d'émétine, jusqu'à 10 injections de novarsénobensol et 18 injections d'émétine, puis pâte de Ravaut pendant quinze jours, et lavages intestinaux pendant un mois.
En outre, un régime alimentaire était recommandé : eau de riz, thé léger, pâtes, purées, confitures. La viande n'était autorisée qu'après la disparition du syndrome diarrhéique, les ufs et les légumes verts beaucoup plus tard. Comme traitement adjuvant des douleurs abdominales, on utilisait les cataplasmes laudanisés. Les épreintes et les ténesmes étaient calmées par un bain de siège très chaud.
Enfin, le malade « remis d'aplomb, devait être rapatrié et dirigé sur une station thermale ». Châtelguyon était préféré dans les diarrhées, et Plombières dans les formes douloureuses.
Ces traitements ont nettement amélioré le pronostic de l'amibiase, la mortalité de 18,4 % en 1870 étant tombée à 2,6 % en 1920.
A titre préventif, R. Ross avait proposé des injections d'émétine, mais d'autres auteurs préféraient les pilules d'extrait d'ipéca (une à trois par jour).
Si ces traitements ont quelque peu vieilli, la conclusion du Pr Joyeux reste d'actualité : « Il faut améliorer l'hygiène générale, les conditions de bien-être et de confort, pour mettre l'organisme en état de lutter victorieusement contre l'amibiase. »
Parasitologie et mycologie, maladies tropicales, vaccinations, CHU de Bicêtre
Un saut dans le présent
Pendant de nombreuses années, le traitement de l'amibiase a été fondé sur l'émétine, avec des effets secondaires neurologiques, puis son dérivé, la déhydroémétine, moins toxique. Actuellement, les dérivés imidazolés ont un large spectre d'action sur les parasites et sont bien tolérés.
Aussi, aujourd'hui, le traitement d'une amibiase intestinale se résume à la prise pendant un à trois jours de 2g de tinidazole (Fasigyne 500) ou cinq jours de 2g de métronidazole(Flagyl), suivie d'une cure de dix jours d'Intétrix pour détruire les kystes restés dans l'intestin.
Avec les traitements actuels, il n'y a plus "d'amibiase chronique" et donc plus d'indication pour des cures thermales. A défaut de chimioprophylaxie, la prévention reste toujours le respect de l'hygiène alimentaire.
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