Amibiase intestinale : aspects cliniques et traitement

Publié le 16/06/2002
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PRATIQUE

Entamoeba histolytica

L'amibiase est une parasitose digestive due à un protozoaire Entamoeba histolytica. On peut la contracter lors d'un voyage en zone tropicale et intertropicale, voire parfois en zone tempérée chaude (sud de l'Europe et des Etats-Unis). L'amibiase est en quelque sorte l'un des effets secondaires indésirables des voyages exotiques. Elle ne représente cependant que 1 % des causes de la diarrhée des voyageurs. En revanche, elle est fréquente chez les personnes qui vivent de façon prolongée dans des zones d'endémie.

Se laver les mains avant de manger

La transmission est interhumaine, le plus souvent directement par l'intermédiaire des mains, ou indirectement par l'eau ou les aliments souillés. Le voyageur doit donc boire de l'eau filtrée, chlorée ou capsulée, et éviter les légumes ou les fruits lavés avec de l'eau non traitée. La transmission sexuelle de Entamoeba histolityca par contact oro-anal ou oro-génital est également possible et a été particulièrement décrite lors de pratiques homosexuelles masculines.

Principaux signes

Il faut penser à l'amibiase intestinale devant toute diarrhée qui dure chez une personne qui a voyagé dans des zones intertropicales et cela même plusieurs semaines ou mois après le retour. Classiquement, l'amibiase se manifeste par un syndrome dysentériforme : diarrhée glaireuse parfois sanglante, douleur abdominale, ténesme, épreintes, souvent sans retentissement majeur sur l'état général. Il n'y a habituellement pas de fièvre au cours de l'amibiase intestinale. En réalité, les formes atypiques (diarrhée banale pendant plusieurs jours avec quelques spasmes abdominaux intermittents) sont les plus fréquentes.

Des formes graves sont possibles

Des formes dites malignes avec ulcération muqueuse étendue, perforation, péritonite, sont possibles dans certaines circonstances (grossesse, forme prolongée non traitée, terrain fragilisé). De même, l'amibe peut gagner par voie porte le foie (amibiase hépatique), voire dépasser la barrière hépatique (amibiase pleuro-pulmonaire, péricardique, etc.). Ces formes compliquées nécessitent une hospitalisation pour un traitement parentéral.

Diagnostic

Le diagnostic repose sur l'examen parasitologique des selles (et non sur la coproculture). Sa demande est justifiée par l'existence d'une diarrhée chez une personne ayant séjourné en zone d'endémie, même plusieurs mois avant l'apparition des symptômes. Le diagnostic est affirmé par la présence d'amibes hématophages à l'examen direct des selles. D'autres formes de Entamoeba histolytica sont possibles : les formes kystiques et les formes minuta. Les kystes correspondent à la forme de résistance et de dissémination du germe et peuvent persister plusieurs mois. Il convient de bien distinguer les kystes de Entamoeba histolytica des autres kystes d'amibes non pathogènes ( Entamoeba coli le plus souvent). La forme minuta correspond à une forme végétative pouvant se transformer (mais pas toujours) en la forme hématophage responsable de l'amibiase intestinale. C'est la transformation de forme kystique en forme végétative (forme minuta, puis forme histolytica) qui entraîne la survenue d'une amibiase maladie.
La sérologie amibienne n'est utile que dans les atteintes d'organe (amibiase hépatique, pleuro-pulmonaire, etc.) et est inutile dans le diagnostic de l'amibiase intestinale, car le plus souvent négative.

Traitement

On distingue les amoebicides de contact non absorbables et agissant uniquement sur le tube digestif comme l'association tiliquinol + tilbroquinol et les amoebicides diffusibles de la famille des nitro-5-imidazolés (métronidazole, secnidazole, ornidazole et tinidazole).
Le traitement de l'amibiase intestinale repose sur l'utilisation d'amoebicides diffusibles à la dose de 30 à 40 mg/kg/j en trois prises (par exemple, Flagyl 500 mg x 3/j) pendant dix jours. La prise d'alcool concomitante est vivement déconseillée compte tenu de l'effet antabuse de cette classe thérapeutique. Un examen parasitologique des selles en fin de traitement est souhaitable pour s'assurer de la disparition de la forme minuta qui pourrait justifier l'adjonction d'un amoebicide de contact.
La découverte de formes kystiques ou minuta chez un patient asymptomatique ne résidant pas en zone d'endémie repose sur l'association tiliquinol + tilbroquinol (Intetrix). Du fait de l'hépatotoxicité d'Intetrix, ce médicament a vu ses indications se limiter au seul traitement de l'amibiase chez l'adulte. La prescription est de dix jours et ne doit pas excéder 4 gélules par jour. Un contrôle des selles en fin de traitement est conseillé et pourrait conduire à une deuxième cure si les parasites persistaient.

Conclusion

Il n'y a pas de traitement médicamenteux préventif de l'amibiase, et aucun « antiseptique intestinal » n'a prouvé son efficacité dans cette indication. Se laver les mains avant chaque repas est la mesure d'hygiène indispensable à rappeler à tout voyageur. La survenue d'une diarrhée persistante chez un voyageur tropical doit conduire à prescrire l'examen parasitologique des selles, seul examen utile dans le diagnostic positif de l'amibiase intestinale.

Dr Emmanuel MORTIER Hôpital Louis-Mourier, Colombes

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7147