REFERENCE
MANIFESTATIONS AIGUES
Les colites aiguës surviennent dans un délai de quelques jours à plusieurs années après la contamination et réalisent des tableaux très divers.
Dysenterie aiguë
La dysenterie aiguë (coliques, épreintes, ténesme, faux besoins avec exonérations afécales et sanglantes), habituellement non fébrile, est le tableau le plus caractéristique mais non le plus fréquent (10 % des cas). La présence d'une fièvre doit faire rechercher une localisation extradigestive ou une surinfection, notamment à shigelles (dysenterie amoebo-bacillaire). La forme diarrhéique aiguë non dysentérique est de loin la plus fréquente (80 % des cas). La rectosigmoïdoscopie, réalisée sans préparation, montre une muqueuse congestive, souvent purpurique et parsemée d'ulcérations superficielles en « tête de furoncle » ou en « coups d'ongle » (figure n° 3), parfois en carte de géographie. Non traitées, ces deux formes peuvent s'amender progressivement en quelques semaines, mais exposent cependant à des récidives et à la survenue de complications intestinales ou à distance.
Amibiase colique maligne
L'amibiase colique maligne, rare et grave avec un taux de létalité supérieur à 40 %, est surtout observée en zone d'endémie chez l'enfant et la femme enceinte, mais également en cas de corticothérapie. Elle réalise une colite aiguë grave, caractérisée par l'apparition rapide d'un ballonnement abdominal, d'un état septique hautement fébrile et par l'expulsion de lambeaux de muqueuse colique et d'un liquide sanieux au travers d'un anus béant. La rectosigmoïdoscopie prudente identifie des lésions graves, combinant décollements muqueux, ulcérations en puits et mise à nu de la musculeuse. Le pronostic est menacé par le risque de perforation et l'association dans 30 % des cas à une amibiase hépatique.
Autres formes sévères
D'autres formes sévères, indépendantes de toute amibiase maligne, ont été rapportées : perforation colique, hémorragie grave, abcès péri-colique. Une attention particulière doit être portée à l'appendicite amibienne, en fait rare, mais souvent simulée par une localisation cæcale mimant un syndrome appendiculaire (typhlite amibienne). L'intervention découvre une inflammation du cæcum et de l'appendice parfois perforé et expose au risque de fistule qui justifie un traitement ambicide postopératoire sans délai.
MANIFESTATIONS CHRONIQUES
Trois formes cliniques caractérisent l'amibiase colique chronique (ACC) qui comporte obligatoirement la présence dans le côlon d'Eh : l'ACC non pathogène, l'ACC avec présence d'amibes hématophages et l'ambome.
ACC non pathogène
L'ACC non pathogène, caractérisée par la présence dans les selles de kystes ou d' Eh minuta, s'exprime par des troubles fonctionnels intestinaux sans altération de l'état général. L'endoscopie montre souvent une muqueuse normale ou pâle, voire atrophique, correspondant à l'ancienne description de microcolie en tuyau de zinc de l'opacification barytée.
ACC avec présence d' Eh histolytica
L'ACC avec présence d' Eh histolytica est liée à l'évolution d'une amibiase aiguë non traitée ou à l'émergence d'amibes hématophages à partir d'une ACC initialement non pathogène. Elle associe des douleurs abdominales souvent bipolaires, une altération de l'état général et des troubles du transit faisant alterner une diarrhée banale, une diarrhée glairo-sanglante, voire une véritable dysenterie. L'endoscopie montre une rectocolite ulcérée plus ou moins étendue. La chronicité soulève ici le diagnostic des maladies inflammatoires chroniques intestinales, rectocolite hémorragique plus souvent que maladie de Crohn, dont l'infection amibienne peut représenter le facteur déclenchant d'une poussée et la méconnaissance d'un facteur de gravité lors de la prescription d'une corticothérapie délétère.
Ambome
L'ambome, rare (1 %), traduit une réaction inflammatoire granulomateuse hypertrophique pseudo-tumorale entretenue par la présence d' Eh histolytica. Elle est souvent révélée par une sténose segmentaire et ulcérée du côlon ascendant ou du sigmoïde (figure 4).
Ces trois formes sont à différencier de la colopathie postamibienne où le parasite a disparu du côlon et qui s'exprime par des troubles fonctionnels intestinaux sans lésion muqueuse colique. Le lien avec l'amibiase demeure ici controversé : séquelles pariétales d'une amibiase aiguë.
DIAGNOSTIC
Un diagnostic nécessairement parasitaire
Orienté par le contexte épidémiologique, le diagnostic de l'amibiase intestinale repose sur la mise en évidence directe du parasite (tableau). Eh peut être identifiée dans les prélèvements fécaux et les biopsies perendoscopiques. Les prélèvements de selles diarrhéiques ou de glaires mucosanglantes recueillies par écouvillonnage rectal, après arrêt de tout traitement antiseptique et antidiarrhéique, sont transmis sans délai au laboratoire et répétés pendant plusieurs jours (sensibilité > 85 % pour trois examens) (figure 5). L'examen, réalisé sans délai, directement, après dilution ou fixation, identifie la forme parasitaire en cause et établit le diagnostic différentiel avec les autres amibes non pathogènes, dont la fréquente Entamba coli. La culture peut être tentée en cas d'échec. L'identification des kystes nécessite un enrichissement avec coloration au Lugol. L'étude histologique des lésions coliques montre une nécrose de liquéfaction riches en amibes, sauf en cas de suppuration associée.
La sérologie (immunofluorescence indirecte, hémagglutination, ELISA) présente peu d'intérêt dans l'amibiase intestinale non compliquée, car usuellement négative ou à un taux non significatif. Elle apparaît utile dans l'ambome et la forme maligne car la mise en évidence directe du parasite y est délicate et l'intensité du contact tissulaire positive régulièrement les sérologies.
Il faut surtout insister sur la nécessité d'interpréter le résultat de l'examen parasitologique en fonction des manifestations cliniques, car il n'est pas possible de distinguer en routine les formes pathogènes des formes non pathogènes. En cas de troubles du transit, l'amibiase ne peut être affirmée que par la mise en évidence d' Eh histolytica. La découverte de kystes ou d' Eh minuta ne permet pas de rattacher la symptomatologie et les lésions coliques à l'amibiase et doit inciter à rechercher une autre étiologie.
Examens biologiques de routine
Les examens biologiques de routine, souvent normaux dans les formes non compliquées, montrent constamment l'absence d'éosinophilie en dehors d'une helminthiase associée, parfois une polynucléose neutrophile, un syndrome inflammatoire et apprécient le retentissement des formes compliquées (troubles hydroélectrolytiques, insuffisance rénale, anémie). Une coproculture et des hémocultures sont systématiquement réalisées en ambiance fébrile, de même que la recherche d'hématozoaires du paludisme dont l'expression clinique peut mimer une entérite fébrile.
Amibiase intestinale : éléments du diagnostic | |||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
Forme parasitaire | Biologie | Examen parasitologique des selles | Endoscopie | ||||
Eosinophilie | Immunologie | Etat frais | Enrichissement | Coloration | Macroscopie | Biopsies | |
Trophozoïte Ehh (1) |
- | + | +++ | non | Lugol | Lésions coliques | HES (3) |
Trophozoïte Ehm (2) |
- | - | +++ | non | idem | - | idem |
Kyste | - | - | ++ | oui | idem | - | - |
(1) Entamœba histolytica histolytica. – (2) Entamœba histolytica minuta. –(3) Hématéine-éosine-safran. |
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