Entendue mardi pendant plus de 7 heures au pôle santé du tribunal de grande instance de Paris, en tant qu’ancienne directrice des relations du travail (DRT) du ministère du Travail entre 1984 et 1987, la maire de Lille socialiste Martine Aubry a été mise en examen pour « homicides involontaires » par la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy dans le cadre d’une enquête sur l’exposition à l’amiante de travailleurs de l’usine Fereo-Valeo de Condé-sur-Noireau (Calvados). La magistrate lui reproche de ne pas avoir pris les mesures qui auraient permis d’éviter les conséquences sanitaires dramatiques pour ces salariés, la DRT ayant tardé selon la magistrate à transcrire dans la législation française une directive européenne de 1983 relative à la protection des travailleurs exposés à l’amiante. Elle accuse également Martine Aubry de ne pas avoir analysé des données de la CNAM qui auraient permis de comprendre qu’une épidémie se développait malgré le décret de 1977.
Responsabilité individuelle ou collective ?
« Aucun indice grave et concordant ne justifie la mise en examen, aucune faute n’a été commise et aucune causalité n’est démontrée entre ce que la DRT a fait entre 1984 et 1987 et les pathologies concernées par l’enquête », a déclaré à l’AFP Me Yves Baudelot qui doit déposer mercredi une requête en annulation de cette mise en examen à la chambre d’instruction de la cour d’appel.
Mardi, Michel Parigot, vice-président de l’association des victimes de l’amiante (ANDEVA) – partie civile dans la série d’enquêtes – a estimé que le dossier judiciaire sur le drame de l’amiante ne permettait pas de pointer une responsabilité individuelle de Martine Aubry. « Avant et après le passage de Martine Aubry, la DRT n’était pas organisée de façon adéquate pour recueillir les informations objectives indispensables pour prendre les mesures adéquates », considère Michel Parigot qui pointe néanmoins une responsabilité collective des pouvoirs publics dans ce dossier. « La DRT a pris 15 ans de retard sur les mesures qui auraient dû être prises pour protéger adéquatement les travailleurs », souligne-t-il.
Un ex-DGS déjà inquiété
Ayant auparavant entendu des dizaines de fonctionnaires, des scientifiques et des industriels, la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy a déjà prononcé plusieurs mises en examen dont celle de Jean-François Girard, ancien directeur général de la santé de 1986 à 1997 qui critique dans « le Monde » une décision « inacceptable et infamante ». Mis en examen le 17 septembre dernier dans le cadre d’une autre enquête portant sur la faculté amiantée de Jussieu (Paris), l’ex-DGS affirme « n’être en aucun cas l’auteur d’une quelconque négligence ou imprudence ». D’autres fonctionnaires poursuivis « ont tous été mis hors de cause », ce qui démontre selon Jean-François Girard, « l’inadaptation de la voie pénale » dans ce type d’affaire. « Rien ne justifiait que je sois mise en examen », a estimé mardi soir Martine Aubry. « La justice fait fausse route en s’attaquant à ceux qui ont protégé les salariés et non ceux qui les ont exposés », déclare-t-elle. Pendant la longue audition de Martine Aubry, « la juge n’a pas fait la moindre objection à nos observations argumentées », affirme son avocat Me Baudelot. « Il est clair qu’il était hors de question pour elle d’aboutir à autre chose qu’une mise en examen », ajoute-t-il.
Les victimes de l’amiante attendent toujours un procès qui aboutisse à la condamnation des responsables du drame de l’amiante en France, en particulier, des membres du Comité permanente amiante (CPA), considéré par l’ANDEVA comme le « lobby » des industriels et qui aurait efficacement défendu « l’usage contrôlé » de l’amiante pour retarder au maximum son interdiction. Qu’il s’agisse de Martine Aubry ou de Jean-François Girard, les deux anciens responsables de la DRT et de la DGS réfutent catégoriquement toute influence du CPA dans leurs décisions passées.
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