Si la cour administrative d'appel de Marseille suit l'avis du commissaire du gouvernement, ce qui est le plus souvent le cas, la responsabilité de l'Etat dans la contamination des travailleurs par l'amiante pourrait être engagée pour cinquante ans.
« Je suis conscient du caractère extraordinaire, au sens propre du terme, de cette durée et des conséquences importantes, notamment en termes financiers, a expliqué Lilian Benoît. Mais le caractère extraordinaire et ces conséquences importantes sont à la mesure de la situation sanitaire et sociale laissée par l'histoire industrielle de l'amiante dans notre pays ».
La cour doit se prononcer sur un jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 mai 2000 selon lequel l'Etat est « responsable des conséquences dommageables du décès » de quatre salariés du privé contaminés par l'amiante. Dans le cas de deux salariés décédés, « l'Etat n'avait pris aucune mesure spécifique pour réduire les effets de l'exposition à l'amiante », note le commissaire du gouvernement, qui demande la confirmation du jugement. Pour les deux autres, exposés après l'édiction du 17 août 1977 protégeant les travailleurs, M. Benoît souligne « le retard fautif pris par l'Etat pour édicter une réglementation plus rigoureuse », alors que « le risque était certain et vérifié » depuis 1955 en ce qui concerne le lien de causalité entre l'amiante et les cancers. Il y a eu le décret de 1977 limitant l'inhalation de poussières d'amiante et des modifications pour tenir compte de deux directives européennes, mais l'Etat n'a pas interdit totalement l'utilisation de l'amiante. « Cette variété des postures illustre donc bien la volonté de maintenir quoi qu'il en soit une politique vouée à l'échec, celle de l'utilisation contrôlée de l'amiante ».
La cour administrative d'appel avait été saisie par le ministère de la Santé. Elle rendra son arrêt avant la fin de la semaine prochaine.
Dans un tout récent rapport, la Cour des comptes a dénoncé l'attitude « moins déterminée » et « plus tardive » des pouvoirs publics français dans la gestion du risque amiante que celle d'autres pays européens. L'amiante a été « utilisé de manière croissante après 1945, et jusqu'en 1973, sans qu'une politique globale de prévention des risques liés à son utilisation ait été mise en place ni même envisagée », note le rapport. Des spécialistes prévoient 100 000 décès liés à l'amiante entre 2000 et 2025.
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