LE NOMBRE de patients guéris de leur cancer est actuellement estimé à plus de 2 millions en France ; une campagne récente de l'INCa a stigmatisé les «2 millions de héros ordinaires». Ce nombre ne pourra qu'augmenter puisque les taux de guérison, tous cancers confondus, ont largement dépassé 50 %. Ce qui signifie que sur les 250 000 à 300 000 nouveaux cas de cancers déclarés chaque année, entre 150 000 et 200 000 vont survivre et guérir ; autrement dit, souligne le Dr François Pein, «si, aux 2millions de sujets actuels, on ajoute 200000 nouveaux cas chaque année, dans dix ans, on franchira les 4millions de survivants guéris».
Pour le Dr François Pein, il est essentiel de s'intéresser à cette population qui va croissant. Pour plusieurs raisons. La première est que, le plus souvent, les deux partenaires habituels, le médecin généraliste et/ou le spécialiste d'organe, continuent à exercer une surveillance sur le patient sans se focaliser ni connaître forcément tous les « à-côtés » de la guérison (ensemble des traitements administrés et leur retentissement éventuel sur d'autres organes, mutilations engendrées par la chirurgie, radiations), ni les conséquences sociales, psychologiques, scolaires et professionnelles de la maladie… En outre, il manque souvent au médecin oncologue le temps et parfois l'envie de vouloir évoquer tout ce qui pourrait ternir le bonheur qu'apporte la guérison.
La vie le plus normale possible.
Pour le Dr François Pein, on doit, avec tact, donner aux patients les informations sur ce à quoi ils sont supposés être plus fragiles, essayer de les définir, tout en relativisant, pour que les guéris puissent avoir la vie le plus normale possible ; le cancer n'étant qu'un épisode de la vie, celle-ci doit continuer sur le plan personnel (la vie de couple, les priorités de vie, les loisirs…), mais aussi en bonne santé et avec un vieillissement harmonieux.
Au centre René-Gauducheau, de Nantes*, une consultation de suivi à long terme en oncologie-hématologie (SALTO-H), ouverte depuis septembre 2006 pour les patients guéris ou en rémission prolongée, tente de délivrer ce « mode d'emploi » après la guérison. «Ce type de consultation de SALTO-H est un socle de conseils et de soins, mais aussi un lieu de réflexion avant la conception et la réalisation d'études épidémiologiques de phaseIV, prospectives et rétrospectives», explique le Dr François Pein, acteur relais d'un projet de recherche adjacent de sciences humaines et sociales (SHS) soutenu par la Ligue nationale contre le cancer : «Etude de la qualité de vie à long terme des survivants du cancer à partir d'une consultation médicale de suivi à long terme en onco-hématologie. » Cette partie « SHS » est gérée par des chercheurs de haut niveau en psychologie, en sociologie et en économie de la qualité de vie.
Médicalement, les études épidémiologiques de phase IV (études de cohortes et études cas-témoins prospectives et rétrospectives de SALTO-H) sont non seulement des études épidémiologi- ques « cognitives », de diagnostic, de facteurs de risque, mais aussi d'intervention pour définir, sur les populations ainsi définies, celles étant à risque et les mesures préventives à prendre, si nécessaire.
D'après un entretien avec le Dr François Pein, oncologue médical, Clcc Nantes-Atlantique, centre René-Gauducheau, Saint-Herblain.
* Dans le cadre de l'Ircna qui lie le CHU et le Clcc.
L'extension des compétences
L'objectif du « suivi à long terme, mode d'emploi, des patients guéris en oncologie-hématologie » est d'accepter l'idée que les médecins généralistes ou spécialistes d'organe ne disposent pas, de par leur formation et leur activité, de tout le temps pour ces éléments d'évaluation ; ils ne connaissent pas toujours l'amplitude et la fréquence des complications existant après les traitements, les radiothérapies, les interventions chirurgicales.
L'oncologue, lui, par sa connaissance de la maladie et du traitement, ne va pas suivre son patient indéfiniment, quand surviennent des symptômes apparemment banals, comme une fatigue, une dépression, des problèmes d'arthrose et tout ce qui va de pair avec l'âge... Ce sont ainsi deux mondes qui ont de la peine à communiquer. L'oncologue n'a pas la disponibilité en temps, pour ses patients guéris, pour faire ce bilan d'étape indispensable marquant la « guérison » et sa « résilience ». C'est la justification des consultations SALTO-H-(suivi à long terme en oncologie-hématologie) ou mode d'emploi pour les patients guéris en oncologie-hématologie.
La consultation est organisée à Nantes sur la base de trois praticiens oncologues, dont deux sont aussi pédiatres de formation – ce qui permet d'offrir une compétence étendue : la pédiatrie occupe une part très importante, puisque le taux de guérison avoisine 80 % et que les enfants guéris vont vivre très longtemps, d'abord avec le problème de leur croissance physique et intellectuelle, puis avec celui de leur vieillissement.
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