« Notre après-guerre. Comment notre père nous a tués », de Dominique Jamet

Ambiguités

Publié le 29/09/2003

Article réservé aux abonnés

1276284267F_Img139498.jpg

Livres

Après avoir tant écrit sur les autres en tant que journaliste, Dominique Jamet a entrepris de parler de lui, de sa famille, de son enfance. Après « Un petit parisien », qui se situait durant les années de guerre et s'achevait alors qu'il avait neuf ans, il poursuit cette autobiographie romancée jusqu'en 1954, lorsqu'il choisit de quitter la maison où rien ne le retenait plus.
« Notre père est sorti de prison le 15 février 1945 et la vie a repris son cours ordinaire. Les enfants au lycée. La femme au foyer. La maîtresse au chaud, sous la main. » Cette première phrase donne le ton du récit, placé sous le signe de l'ambiguité, comme le fut alors la vie des Jamet.
Si, après trois mois d'emprisonnement, il fut disculpé du chef d'intelligence avec l'ennemi - on lui reprochait la teneur de deux éditoriaux - Claude Jamet n'en fut pas moins, en tant que journaliste, interdit de presse, en tant qu'écrivain, interdit de publication et suspendu de ses fonctions de professeur.
Ambiguité aussi quant aux figures féminines qui ont régi ces années d'enfance et d'adolescence. Il y eut d'abord Marguerite, l'épouse légitime, et Dora, la maîtresse ; lassée, la première partit enfin et la seconde, après avoir régné six années, fut chassée du jour au lendemain par une certaine Paulette : « Avec Paulette, notre vie est devenue une chose laide, sale et désespère. Tout ce qui pouvait y subsister d'humain et de tolérable, fût-ce à l'état de traces en a progressivement disparu. Nous avons été jetés aux fers dans une prison obscure, livrés pieds et poings liés aux caprices et au despotisme obtus d'une geôlière analphabète. Nous avons dû cohabiter avec cette femme à demi méchante, à demi démente... ».
Un enfer qui va durer dix années. « Notre père nous aimait trop pour se séparer de nous, note Dominique Jamet au cours du récit, mais trop peu pour s'occuper de nous. Il ne nous a jamais appris à vivre. Comment aurait-il fait, ne le sachant pas lui-même ? ».

Editions Flammarion, 249 p., 18 euros

M. F.