P OUR expliquer la physiopathologie de la maladie d'Alzheimer, des chercheurs américains émettent une hypothèse inédite, qu'ils publient dans le dernier numéro de « Trends in Neuroscience »*. Kraft et Finch incriminent, comme tous les auteurs, la protéine bêta-amyloïde, mais en lui attribuant un profil toxicologique complètement différent de ce qui est admis habituellement. Alors que, depuis deux décennies, les chercheurs se focalisent sur les congrégations de protéines bêta-amyloïdes formant les plaques séniles, Kraft et Finch désignent d'autres formations, les ADDL (Amyloid beta-Derived Diffusable Ligand), qui consistent en l'association d'un petit nombre de molécules bêta-amyloïdes.
ADDL des propriétés chimiques et toxiques
Entre trois et vingt-quatre de ces molécules s'assemblent en présence de certaines protéines inflammatoires dans le cerveau pour former les ADDL, est-il mentionné dans l'article. Et les ADDL possèdent des propriétés chimiques et toxiques différentes de la protéine bêta-amyloïde isolée ou en mise en amas. Ainsi, les ADDL sont solubles et sont capables de se propager dans l'ensemble du tissu cérébral, tandis que le tissu amyloïde reste confiné à l'endroit où il s'est formé initialement. Les ADDL ont une toxicité hautement sélective, intéressant, selon les chercheurs, uniquement les populations cellulaires qui s'atrophient chez les patients frappés de la maladie d'Alzheimer.
« L'hypothèse des ADDL fournit une explication convaincante au fait que des régions spécifiques du cerveau dégénèrent sévèrement, tandis que les aires voisines demeurent intactes, sans comporter ni plaques ni fibrilles », estiment les auteurs.
Les auteurs poursuivent leur exposé en suggérant que la mort cellulaire n'est pas la cause initiale de la maladie d'Alzheimer. Dans leur publication, ils rapportent que, bien avant d'avoir atteint des concentrations létales, les ADDL interfèrent avec le mécanisme de base de la mémoire à long terme (dite « potentiation à long terme »).
Une maladie de fonction cellulaire
Les auteurs entendent donc caractériser différemment la maladie d'Alzheimer en la concevant non comme une maladie de la mort cellulaire, mais comme une maladie de la fonction cellulaire - en particulier d'altération des fonctions de la mémoire ou des facultés d'apprentissage, la mort cellulaire n'intervenant, dans leur conception, qu'à des stades tardifs.
La maladie d'Alzheimer serait-elle, comme le pensent ces auteurs, un état réversible, en particulier aux stades précoces ? Les approches thérapeutiques classiques visant à bloquer la formation des fibrilles ou à disperser les plaques risqueraient-elles de n'aboutir qu'à une augmentation des ADDL, donc à une autre forme de toxicité ? Et de nouvelles approches fondées sur l'éviction de la formation des ADDL ou le blocage des interactions entre les ADDL et les surfaces cellulaires seraient-elles plus appropriées ? Pour le savoir, il faudrait que ce qui fonde l'hypothèse de Kraft et Finch soit clairement exposé et confirmé.
* « Trends in Neuroscience », avril 2001.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature