De notre correspondante
à New York
« Nous projetons d'étudier l'impact de l'homocystéine sur la structure cérébrale et sur les tests de performance neuropsychologique », déclare au « Quotidien » le Dr Philip Wolf, neurologue à l'université médicale de Boston, qui a dirigé l'étude parue dans le « New England Journal of Medicine ». Il ajoute : « L'Institut national sur le vieillissement (National Institute on Aging, NIH) lance un essai contrôlé de doses élevées de vitamines (acide folique, vitamines B6, B12) pour prévenir ou retarder le développement de la maladie d'Alzheimer. »
L'homocystéine est un simple acide aminé qui a fait l'objet ces derniers temps d'une attention considérable comme facteur de risque vasculaire majeur. Les données épidémiologiques montrent que des taux plasmatiques élevés sont associés à la maladie vasculaire dans les coronaires, les carotides et la circulation artérielle périphérique. Le mécanisme précis reste à éclaircir.
Déficits nutritionnels et vitaminiques
L'hyperhomocystéinémie pourrait peut-être représenter aussi un facteur de risque de démence et de maladie d'Alzheimer. En effet, les personnes avec des facteurs de risque cardio-vasculaire et un antécédent d'AVC ont un risque accru de démence vasculaire et de maladie d'Alzheimer. Deux études cas témoins ont trouvé des taux élevés dans la maladie d'Alzheimer, mais il reste à savoir s'ils précèdent la maladie ou résultent seulement de déficits nutritionnels et vitaminiques dus à la démence.
Seshadri, Wolf et coll. ont examiné, chez des participants âgés de la cohorte de Framingham, la relation entre l'homocystéinémie et le risque ultérieur de démence. Entre 1986 et 1990, 1 092 participants hommes et femmes, de 76 ans en moyenne, ont eu un dosage plasmatique d'homocystéine. Sans démence à ce moment-là, ils ont été suivis en moyenne pendant 8 ans. 111 participants ont alors développé une démence, dont 83 une maladie d'Alzheimer.
Les investigateurs ont examiné la relation entre les taux initiaux d'homocystéine et l'incidence de ces démences durant le suivi, après ajustements pour diverses variables (âge, sexe, génotype de l'apolipoprotéine E, autres facteurs de risque vasculaire, taux plasmatiques de folate, vitamine B6 et B12).
Association indépendante, graduelle
L'analyse indique clairement une association indépendante, graduelle, entre l'homocystéinémie et le risque de démence ou de maladie d'Alzheimer. En pratique, pour chaque augmentation de 5 micromol d'homocystéine, le risque d'Alzheimer est majoré de 40 %. Pour un chiffre supérieur à 14 micromol/l, le risque de maladie d'Alzheimer est presque doublé.
Deux limites de l'étude sont l'uniformité raciale de la population et le dosage pratiqué chez des sujets non à jeun. Ces résultats doivent donc être confirmés dans d'autres cohortes, notent les investigateurs. « L'homocystéine est importante, mais le mécanisme est encore inconnu », souligne au « Quotidien » le Dr Wolf. L'hyperhomocystéinémie, explique-t-il, pourrait favoriser le développement de la démence de plusieurs façons : en favorisant la maladie vasculaire, via le stress oxydatif, ou en augmentant l'effet néfaste du dépôt d'amyloïde.
« C'est la première étude prospective qui montre une solide relation graduelle » entre l'homocystéinémie et le risque de démence, observe pour sa part le Dr Joseph Loscalzo (université médicale de Boston), dans un commentaire. « Cela suggère, mais ne prouve pas, que l'homocystéine favorise directement, d'une façon ou d'une autre, le développement de la maladie d'Alzheimer et d'autres démences ». L'ultime preuve d'une relation causale sera l'effet positif d'une intervention abaissant les taux d'homocystéine, par « l'addition à une alimentation normale de larges doses de folates, vitamine B12 et bétaïne », conclut-il.
« New England Journal of Medicine » 14 février 2002, pp. 476, 466.
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