De notre correspondante
à New York
« Cela ajoute un autre mécanisme par lequel l'amyloïde bêta (A-bêta) pourrait s'accumuler dans le cerveau et, ainsi, provoquer la maladie d'Alzheimer. Et cela offre une nouvelle cible thérapeutique, chercher à restaurer le transporteur », explique au « Quotidien » le Pr William Banks, de l'université médicale de Saint Louis (Missouri), qui a dirigé ces travaux. « Cette découverte est excitante non seulement pour la relation entre l'A-bêta et la maladie d'Alzheimer, mais aussi sur un autre front : celui de la régulation de la barrière hémato-encéphalique (BHE). Cette barrière émerge de plus en plus comme un régulateur majeur de communication entre le cerveau et les tissus périphériques. Ce travail montre que des maladies peuvent survenir lorsque le rôle de communication de la BHE échoue. D'autres maladies récemment liées a cet échec incluent l'obésité, les convulsions lors du sevrage alcoolique et la résistance aux antiépileptiques et aux antirétroviraux. »
L'amyloïde bêta, on le sait, s'accumule dans le cerveau des patients atteints d'Alzheimer, et cette accumulation contribuerait au déclin intellectuel des patients. Les taux d'A-bêta sont dépendants des rythmes de synthèse (à partir de la protéine précurseur de l'amyloïde, APP) et de dégradation, et on suppose que ces deux rythmes sont altérés dans la maladie d'Alzheimer. Ses taux dépendent aussi du rythme de sa clairance hors du cerveau.
La forme 1-42 de l'amyloïde bêta, la plus neurotoxique
Les études d'efflux de l'amyloïde bêta du cerveau vers le sang, n'ont été effectuées que sur la forme humaine 1-40, et principalement chez les rongeurs, jamais sur la forme 1-42 (42 acides aminés) de l'amyloïde bêta, la plus neurotoxique et incriminée dans la neuropathologie de la maladie d'Alzheimer. Or des variations de structure mineures d'un peptide peuvent modifier son transport ; il est à noter aussi que les systèmes de transport hémato-encéphalique peuvent présenter des spécificités d'espèces.
L'équipe du Pr Banks a donc étudié, chez la souris, l'efflux cérébral de des A-bêta 1-40 et 1-42 de la souris, et des A-bêta 1-40 et 1-42 de l'homme.
Cet efflux a été étudié chez des souris normales, ainsi que chez des souris jeunes et âgées spontanément mutantes qui servent de modèle pour la maladie d'Alzheimer (SAMP8). En effet, ces souris, en prenant de l'âge, produisent spontanément l'A-bêta en excès et développent des déficits cognitifs, lesquels sont corrigés par des anticorps anti-A-bêta ou des antisens contre l'ARNm de l'APP (précurseur de la protéine bêta-amyloïde).
De cette première étude du transport de l'A-bêta 1-42 du cerveau vers le sang, il ressort plusieurs constatations.
Il est maintenant montré que les souris normales exportent bien les deux formes d'A-bêta humaines ou murines, avec, toutefois, une efficacité plus grande pour la forme 1-42 de la souris et la forme 1-40 humaine. Les souris mutantes SAMP8 présentent, en revanche, une baisse du transport saturable de l'A-bêta 1-42 de la souris, qu'elles soient jeunes ou âgées. « Cela suggère que le déficit du transporteur précède l'accumulation d'A-bêta et qu'il pourrait donc contribuer de façon précoce à l'accumulation d'A-bêta dans le cerveau », en déduisent les chercheurs. Les souris mutantes SAMP8 présentent aussi une altération de l'efflux des autres formes d'A-bêta.
« Nous aimerions maintenant savoir si le transport peut être restauré d'une façon ou d'une autre, peut-être par un traitement antisens, et si la restauration du transport s'accompagnerait d'une amélioration cognitive chez les souris SAMP8 », confie au « Quotidien » le Dr Banks.
Banks fait aussi remarquer que, pour commencer, ils ont étudié les peptides amyloïdes bêta sous forme de monomères (molécules uniques), mais qu'ils aimeraient maintenant étudier les oligomères d'A-bêta (ou ADDLs) (voir les « Proceedings » de l'Académie des sciences américaine du 2 septembre), soupçonnés d'être la forme la plus toxique d'A-bêta. « Nous aimerions savoir quel effet ont les oligomères sur le transporteur de l'A-bêta et savoir si les oligomères sont aussi des transporteurs », conclut le chercheur.
« Neuroscience » du 6 octobre 2003, p. 487.
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