Le Généraliste. Un des objectifs du plan Alzheimer 2008-2012 est de découvrir ou valider un test diagnostique ou un traitement dans les cinq ans. Cet objectif paraît-il réalisable ?
Pr Bruno Vellas. Plusieurs molécules ciblant le processus pathologique lui-même sont en développement. Et parmi elles, au moins six laboratoires travaillent sur la même piste thérapeutique des anticorps monoclonaux orientés contre les peptides bêta-amyloïdes. Deux de ces anticorps sont actuellement en phase III de développement, un autre en phase II et encore deux en phase I. C’est très encourageant de voir plusieurs entreprises (Wyeth / Elan, Lilly, Pfizer, GSK, Roche) aboutir sur les mêmes cibles thérapeutiques : cela crée un faisceau d’arguments en faveur de cette nouvelle approche.
Les anticorps monoclonaux anti-Aß seraient donc la solution de demain ?
Pr B.V. C’est une option prometteuse mais pas la seule. De nombreuses autres voies sont explorées. Une molécule en phase III de développement (Lilly) inhibe par exemple la gamma sécrétase responsable de la production des peptides Aß. Le fait de bloquer la formation de nouvelles plaques amyloïdes permettrait de modifier le cours de la maladie. D’autres molécules à visée symptomatique sont également à un stade avancé de leur développement. C’est le cas du Dimebon (Pfizer) dont le développement s’achèvera mi 2010. Elle exerce un effet neuroprotecteur en agissant sur les mitochondries.
On parle mois de vaccin, qu’en est-il ?
Pr B.V. Si ben sûr, le vaccin anti-Aß est toujours d’actualité. Il est même un vaccin en phase II de développement. Cependant le vaccin paraît moins prometteur qu’il ne l’a été à une époque compte tenu de l’arrivée prochaine d’anticorps monoclonaux. Ces derniers permettent de mieux maîtriser les effets secondaires grâce au contrôle de la charge d’anticorps injectés.
Si un traitement permet bientôt de lutter contre la maladie elle-même, à quel stade sera-t-il indiqué ?
Pr B.V. Les médicaments en cours de développement sont testés sur des patients atteints de formes légères à modérées de la maladie (environ 2/3 des patients). Ce sera donc le champ de leur indication s’ils parviennent sur le marché. Cependant, il serait intéressant de prendre en charge les patients à un stade encore plus précoce, pré démentiel.
Cela pose le problème du diagnostic très précoce, difficile à effectuer…
Pr B.V. Il est nécessaire pour les médecins généralistes de prendre en considération la plainte cognitive de leur patient et d’en étudier le retentissement sur les capacités a réaliser les activités complexes de la vie quotidienne.
Les biomarqueurs pourraient-ils aider au diagnostic précoce ?
Pr B.V. Les biomarqueurs sont particulièrement utilisés dans le cadre des études cliniques pour évaluer l’effet d’une molécule sur la maladie elle-même en plus des résultats cliniques. Les peptides bêta-amyloïdes et des protéines Tau présentes dans le liquide céphalo-rachidien reflètent l’état d’avancement de la maladie. L’IRM morphométrique permet également de vérifier l’impact d’un médicament sur l’atrophie cérébrale. Mais le rôle de ces marqueurs va certainement s’accroître à l’avenir et probablement, il est vrai, dans le diagnostic de la maladie.
Et les marqueurs génétiques ?
Pr B.V. Les gênes de susceptibilité identifiés récemment pour la maladie d’Alzheimer (J.-C. Lambert, Nature Genetics 2009) sont encore du domaine de la connaissance fondamentale. En revanche nous sommes par exemple en mesure de dire que les patients porteurs de l’allèle Apo E4 répondent mieux aux traitements. Ces patients ont davantage de dépôts amyloïdes. Les marqueurs génétiques serviront donc plutôt à indiquer la susceptibilité des patients aux traitements plutôt qu’à prédire la maladie.
Enfin, vous êtes coordonnateur du Centre de recherche clinique sur la maladie d’Alzheimer et émettez des craintes sur l’avancée de ces essais en France. Quelle est la situation actuelle ?
Pr B.V. Il est très difficile de recruter des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Et pourtant, il s’agit là d’un enjeu majeur pour la recherche française. Dans le cas du sida, les patients sont proactifs, dans le cas du cancer, les patients veulent bénéficier des nouvelles thérapies mais dans le cas de la maladie d’Alzheimer, les patients sont âgés, 30 % vivent seuls et ils présentent des troubles cognitifs qui rendent l’inclusion et le suivi difficiles. Il faut absolument que les consultations mémoire et les médecins généralistes proposent à leurs patients ces essais. Ils sont tous accessibles sur le site de l’Observatoire national de la recherche sur Alzheimer (ONRA) : http://cm2r.enamax.net/onra/
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