L'allergie respiratoire liée à l'environnement professionnel est encore nettement sous-estimée en France, malgré ses conséquences médicales et socioprofessionnelles. Une session conjointe Société de Pneumologie de langue française et Société de médecine du travail a abordé les facteurs individuels et environnementaux favorisant ces allergies et les problèmes pratiques posés par la distinction entre asthme professionnel et asthme aggravé par le travail.
La sensibilisation respiratoire concerne un nombre croissant d'aérocontaminants, 400 agents étant actuellement répertoriés dans l'asthme professionnel (AP). Environ 15% des asthmes de l'adulte sont liés à l'environnement professionnel, et la prévalence de la rhinite professionnelle (RP), qui précède généralement l'asthme serait 2 à 4 fois plus élevée. "L'allergie respiratoire professionnelle résulte d'une interaction entre des facteurs de risque individuels et environnementaux qu'il importe d'identifier afin d'intervenir en prévention primaire pour éviter l'apparition d'une sensibilisation aux agents professionnels et en prévention secondaire pour réduire ou supprimer le développement de la RP ou de l'AP sur un terrain sensibilisé. Les facteurs les plus importants sont l'atopie et le niveau d'exposition" insiste le Pr Olivier Pr Olivier VANDENPLAS (Belgique).
Le poids de l'atopie
L'atopie est à l'évidence un déterminant clef de la sensibilisation aux agents professionnels de haut poids moléculaire IgE médiée dont elle multiplie le risque par un facteur 2 à 5 et favorise l'apparition d'un asthme ou d'une rhinite professionnelle. Les données sont moins évidentes pour les agents professionnels de bas poids moléculaire. La valeur prédictive de l'atopie est néanmoins faible quant à l'apparition d'un asthme professionnel -entre 10 et 30%- et vu sa prévalence importante dans la population générale, elle ne constitue pas un bon marqueur et ne peut donc intervenir comme élément décisionnel dans l'orientation professionnelle. On a récemment prouvé que l'asthme et une hyperréactivité bronchique (HRB) non spécifique préexistants sont significativement associés au risque de développer une allergie aux agents de haut poids moléculaire. Rhinite et asthme sont aussi étroitement intriqués dans l'allergie professionnelle : la rhinite tant allergique que non allergique constitue un facteur de risque indépendant de la survenue d'un AP et une rhinite professionnelle multiplie par 5 le risque de développer ultérieurement un asthme professionnel mais aussi non professionnel. On sait qu'il existe une certaine susceptibilité génétique avec une corrélation entre la présence de certains antigènes HLA et le développement d'AP, mais les résultats sont parfois discordants et ne peuvent en pratique permettre d'identifier les sujets à risque de développer un AP. Le développement des méthodes de mesure des allergènes montre une relation très nette entre niveau d'exposition et apparition d'une sensibilisation aux allergènes de haut poids moléculaire mais il n'est jusqu'ici pas possible de déterminer les seuils d'exposition à ne pas dépasser en milieu professionnel. Pour les substances de faible poids moléculaire, la relation entre les taux d'isocyanates par exemple et la prévalence de l'HRB non spécifique associée ou non à des symptômes asthmatiques n'a été que récemment mise en évidence. Il semble aussi qu'une exposition cutanée pourrait jouer un rôle dans l'apparition des allergies respiratoires, ce qui justifie de promouvoir une protection cutanée afin de prévenir la sensibilisation et l'apparition d'AP. On s'intéresse beaucoup actuellement au rôle favorisant des irritants non spécifiques, pollution, particules fines, ozone, diesel…etc. dans le développement d'une sensibilisation aux allergènes professionnels; le tabagisme pourrait aussi être associé à un risque plus élevé d'une sensibilisation de type IgE à certaines substances professionnelles et éventuellement à l'apparition d'un AP.
Asthme aggravé par le travail et asthme induit par le travail : des conséquences médicales et socioprofessionnelles identiques
L’asthme professionnel au sens strict est caractérisé par sa relation avec une cause et une situation attribuable à un environnement professionnel particulier, tandis que l'asthme aggravé par le travail (AAT), s'il n’est pas induit par un allergène professionnel est exacerbé par l'exposition à des "nuisances" présentes sur les lieux du travail, qu'il s'agisse de substances chimiques (poussières, gaz, fumées, tabagisme passif), de conditions physiques (exercice, froid) voire du stress qui pourrait également constituer un facteur d’aggravation. En pratique il est difficile de distinguer ces 2 entités, que certains réunissent sous le terme "d'asthme en relation avec le travail". La prévalence de ces AAT semble importante, 20 à 50% des asthmatiques rapporteraient une aggravation de leur pathologie en rapport avec le travail. On ne retrouve pas de différence entre ces 2 catégories pour la répartition selon le sexe, la présentation clinique ni la fonction respiratoire évaluée par le VEMS et l'HRB provoquée; les personnes ayant un AAT seraient un peu plus jeunes, plus souvent fumeurs et moins fréquemment concernés par l'exposition aux agents de haut poids moléculaires. Les conséquences socio-économiques –baisse de revenu, perte d'emploi, chômage- sont identiques. "Il est néanmoins important de les distinguer" explique le Pr Jacques AMEILLE (Garches) "à la fois pour des raisons médicales, professionnelles et médicolégales". Dans certains pays –USA, certaines provinces du Canada- les AAT peuvent obtenir réparation, mais pas au Québec ni en Belgique et la France connaît une situation intermédiaire : l'asthme professionnel peut être reconnu comme maladie professionnelle dès lors que l'activité prof est mentionnée dans les tableaux du régime général, tandis que l'asthme aggravé par le travail doit apporter la preuve d'un lien de causalité avec l'exposition au travail. Sur le plan médical, les bienfaits de l'arrêt de l'exposition diffèrent en fonction du type d'asthme. Si l'éviction du milieu professionnel réduit de façon équivalente la symptomatologie, elle n'entraine pas dans l'AAT l'amélioration du VEMS et de l'HRB non spécifique qu'on observe dans l'AP. Les bénéfices de l'arrêt de l'exposition semble nettement plus marqués dans l'AP où l'éviction définitive constitue la meilleure thérapeutique; par contre dans l'AAT il semble plus facile de maintenir les patients dans leur emploi sans leur faire courir de risque majeur d'aggravation de la maladie, à condition toutefois d'une réduction de l'exposition aux irritants sur le lieu de travail et d'une prise en charge médicamenteuse optimale.
Plusieurs éléments peuvent aider à les distinguer en pratique : la chronologie, un asthme préexistant oriente vers un AAT, mais un AP peut se développer sur un asthme ancien et inversement un asthme apparaissant après le début de la vie professionnelle et majoré au travail n'est pas obligatoirement un AP; le test de provocation bronchique est le gold standard mais il est loin d'être accessible à toute la population et on ne peut exclure de faux négatifs; la diminution du taux d'éosinophiles dans l'expectoration après 2semaines d'éviction constituerait un argument en faveur de l'AP; le monitoring du DEP apporte des indications précieuses mais ne permet pas de trancher formellement et la négativité des tests immunologiques oriente plutôt vers un AAT mais ils ne sont valables qu'en cas d'exposition à des protéines végétales ou animales.
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