Allergies au nickel : plus de risques avec les euros qu'avec les francs

Publié le 02/12/2001
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« Le nickel des euros est-il dangereux pour la santé ? », demandait déjà « le Quotidien  » il y a quatre ans, le 28 octobre 1997. A l'époque, le commissaire en charge de la monnaie unique, Yves Thibaut de Silguy, déplorait qu' « il n'existe aucune étude qui montre une augmentation des affections dermatologiques en corrélation avec l'utilisation de pièces de monnaie en nickel, ni chez les utilisateurs ordinaires, ni chez les professionnels maniant fréquemment ces pièces dans le cadre de leur travail. »

Le comité scientifique européen qui avait alors planché sur la question, s'appuyant sur des études générales d'allergologie en l'absence de travaux épidémiologiques documentés, et il avait conclu qu'il était « improbable que le nickel présent dans les pièces d'euros puisse entraîner une augmentation de l'incidence des allergies au nickel chez les personnes déjà allergiques ».
L'étude suédo-britannique que publie « Contact Dermatitis »* ne bouleverse pas la donne. Elle rappelle tout d'abord que l'allergie au nickel, qui atteint de 10 à 15 % des femmes et constitue l'un des principaux facteurs étiologiques d'eczéma des mains (30 à 40 %), a fait l'objet d'une directive européenne qui ne s'applique pas aux pièces de monnaie.

Bains de sueur artificielle

Des pièces suédoises, britanniques et françaises ont été plongées pendant deux minutes dans des bains de sueur artificielle et les niveaux de nickel libérés dans ces solutions ont été mesurés. Ils atteignent leurs plus hauts niveaux, soit 2 microgrammes, avec les pièces en alliage de cuivre et de nickel (une couronne suédoise ou dix pences britanniques), alors qu'avec les pièces en nickel pur (un franc français), on n'enregistre que 0,15 microgramme.
L'étude fait d'autre part référence à une étude sur la pièce de deux euros, étude réalisée par la DG 24 de l'Union européenne (direction de la santé et de la consommation) qui montre que leur libération d'ions de nickel correspond à celle mesurée pour les pièces anglaises et suédoises. Un résultat somme toute logique, puisque, dans les trois cas, l'alliage est à 75 % de cuivre et 25 % de nickel.
Cet alliage devrait être utilisé également pour la pièce d'un euro. Ce sont donc deux des huit futures pièces d'euros qui vont avoir cours légal à partir du 1er janvier prochain qui pourraient présenter pour les consommateurs et les professionnels allergiques au nickel un risque de allergisant supérieur à celui de nos pièces actuelles.
Mais l'étude publiée par « Contact Dermatitis » conclut prudemment que de « nouvelles études cliniques et épidémiologiques restent nécessaires pour mesurer les effets sur la peau de manipulations intensives de pièces de monnaie en alliage libérant de grandes quantités de nickel ».
A Bercy, au cabinet du ministre de l'Economie et des Finances, on fait quoi qu'il en soit remarquer que ce dossier est désormais du ressort de la Banque centrale européenne (BCE) ou, à la rigueur, de la Banque d'Angleterre. Et on met en garde contre toute tentative visant à attiser les craintes du public, sur un sujet qui ne constitue de toute manière pas une découverte.
En attendant, une autre question de santé publique risque de se poser rapidement, avec l'imminente démonétisation des francs et la récupération de considérables stocks de nickel qui va s'ensuivre et qu'il va s'agir de stocker en observant un minimum de précautions, en attendant le recyclage dans les alliages européens.

* « Le nickel libéré par les pièces de monnaie », par Carola Liden et Stephen Carter (2001, 44, pp. 160-165).

Christian DELAHAYE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7022