Observation
Cette élève-infirmière de 23 ans mange pour son déjeuner un poulet satay au riz. Elle ne peut finir son repas puisque apparaissent très rapidement un oedème des lèvres, des vomissements, une tachycardie avec tremblements et sueur, une dyspnée, une urticaire et des douleurs abdominales. Le médecin traitant est appelé au chevet de la patiente. Il injecte un corticoïde et l'adresse aux urgences. La patiente dit ne plus se souvenir de l'injection ni de son séjour aux urgences. En reprenant l'interrogatoire, le jour de la consultation, elle signale, vers l'âge de 10 ans, en Angleterre, après avoir mangé des « snickers » l'apparition d'un oedème de Quincke : il en est de même quelques années plus tard après l'ingestion d'une glace dans un fast-food. Entre ces épisodes, elle a fait « relativement » attention à ne pas manger de cacahuètes dans la mesure où elle les soupçonnait d'en être responsables. Le plat qu'elle a ingéré comporte du riz, de l'eau, du poulet, de la pâte de cacahuète, du sucre, de la cacahuète, du germe de soja, de la sauce de soja, de la tomate, des épices, du sel, du vinaigre, du jus de citron, de l'amidon modifié de riz.
Les tests cutanés effectués à distance de l'épisode aigu montrent un test arachide très positif (arachide supérieur à 100). Des conseils d'éviction sont donnés à la patiente (éviter : l'arachide sous forme native ou cachée, les repas en restaurant exotique, le contact direct ou indirect avec les cacahuètes puisqu'un oedème apparaît lorsqu'elle embrasse son ami qui vient d'en consommer. Sont prescrits également de l'adrénaline auto-injectable et un corticoïde que la patiente doit avoir constamment sur elle.
Un an plus tard, en 2001, la patiente reconsulte pour avoir présenté les mêmes symptômes après la consommation d'une salade verte dans un restaurant vietnamien. Elle avait signalé son allergie à l'arachide et le serveur en avait pris note. Elle a eu juste le temps d'apercevoir les morceaux de cacahuètes sous les feuilles de salade avant de perdre connaissance et d'être emmenée par le Samu aux urgences. Depuis cette époque, elle fait très attention à son alimentation et reconsulte en 2005 en raison de l'apparition d'une urticaire de contact après utilisation d'huile d'amande douce et d'une crème hydratante contenant de l'arachide. Un contrôle de ses IgE spécifiques en 2006 montre toujours un taux supérieur à 100 ku/l pour l'arachide, les graines de lupin à 0,95 ku/l. Elle est toujours en possession d'adrénaline auto-injectable et de corticoïdes.
Manifestations cliniques
L'arachide, légumineuse de la famille des papilionacées est la deuxième cause d'allergie alimentaire chez l'enfant de moins de 3 ans. Après cet âge, elle passe en première position avant l'oeuf. Elle est à l'origine de manifestation immédiate IgE-dépendante dont la sévérité augmente avec l'âge. Le contact avec l'arachide peut se faire par ingestion sous forme native ou cachée ou être indirect par contact avec des personnes en ayant ingéré ou par application de cosmétiques en contenant. Dans la petite enfance, les symptômes le plus souvent observés sont représentés par des poussées aiguës de dermatite atopique.
L'urticaire, l'oedème de Quincke, le choc anaphylactique, la crise d'asthme ou des troubles digestifs sont plutôt l'apanage de l'adolescent et des adultes. L'évolution de l'allergie à l'arachide est plutôt chronique bien qu'elle semble régresser dans 20 % des cas.
Tests allergologiques
Le bilan allergologique comporte la réalisation de tests cutanés à distance de l'épisode aigu (ce qui est le cas dans notre observation clinique), ils sont accompagnés d'un dosage des IgE spécifiques et, si nécessaire, d'un test de provocation labial ou oral en milieu hospitalier.
Les allergies croisées alimentaires
Ces allergies croisées doivent être systématiquement recherchées à l'interrogatoire et par des tests cutanés. Elles sont dues à une homologie antigénique partielle ou totale : fève, lentille, lupin, haricot blanc, noix, noisette, noix du Brésil, noix de cajou, noix de pécan, noix de macadamia, pistache, pois, pois chiche, soja, pignon, amande.
Conduite à tenir
Conduite à tenir en cas d'allergie alimentaire à l'arachide.
1) Dans le cadre du diagnostic chez un enfant scolarisé, le projet d'accueil individualisé (PAI) rédigé chaque année à la demande des parents est utile pour l'intégration de l'enfant au sein de l'établissement scolaire. Il comporte la liste des aliments responsables d'allergie alimentaire avérée avec les numéros d'urgence et la conduite à tenir en cas d'ingestion accidentelle. Le traitement d'urgence est instauré en fonction des symptômes cliniques observés régulièrement chez l'enfant.
2) En ce qui concerne notre cas clinique, il est l'illustration de la difficulté d'application de l'éviction de l'arachide en dehors de son habitat habituel. Il est fortement déconseillé, entre autres, de fréquenter les établissements proposant de la cuisine exotique utilisant très souvent de l'arachide.
L'utilisation de cosmétiques nécessite l'étude de l'étiquetage puisque, depuis quelques années, nous voyons apparaître des protéines végétales allergisantes dans les crèmes hydratantes, ce qui est le cas de cette patiente.
Dès l'apparition des premiers symptômes, les tests allergologiques sont nécessaires et nous voyons régulièrement dans nos consultations des patients qui n'ont pas conscience de la gravité de leur allergie, la collaboration entre le médecin généraliste et l'allergologue est alors nécessaire pour le suivi de ces patients.
Site Internet : www.cicbaa.org (cercle d'investigation clinique et biologique en allergie alimentaire).
Etiquetage alimentaire
La réglementation actuelle oblige les fabricants à signaler la présence, même sous forme de trace, des 12 allergènes alimentaires principaux (voir « le Quotidien du Médecin » n° 8104 du 13 février 2007). Seront ajoutés, fin 2007, deux autres allergènes alimentaires, le lupin et les mollusques. Législation adoptée au « Journal officiel de l'Union européenne » (fin 2006).
Sources d'arachide
Aliments susceptibles de contenir de l'arachide : céréales du petit déjeuner, gâteaux apéritifs, gâteaux au chocolat, à la frangipane, charcuterie, viande hachée des fast-foods, certains pains cuits sur les plaques huilées à l'arachide.
Certains médicaments administrés par comprimé ou par voie injectable, certaines préparations cosmétiques.
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