De notre correspondante
à New York
Chez les sujets sains, l'expression des IgE par les lymphocytes B est étroitement régulée et les concentrations sériques d'IgE sont beaucoup plus faibles que celles des IgM, IgG et IgA. Cela est nécessaire car l'IgE est somme toute une immunoglobuline qui peut faire plus de mal que de bien.
En effet, si les anticorps IgE procurent une protection contre un spectre limité de parasites, ils stimulent aussi les mastocytes et les basophiles pour libérer toute une gamme de médiateurs (histamine, leucotriènes et prostaglandines) de l'hypersensibilité immédiate, dont les conséquences incluent le rhume des foins, les allergies alimentaires, l'asthme et l'anaphylaxie.
Des médiateurs de l'hypersensibilité immédiate
Mais comment ces concentrations d'IgE sont-elles maintenues aussi basses ? Une équipe japonaise, dirigée par le Dr Shimizu (université de Kyoto), a maintenant identifié un régulateur négatif de l'expression des IgE.
Le point de départ pour cette intéressante découverte est la création, par l'équipe, d'une souris knock-out déficiente en Id2. L'Id2 appartient à la famille des protéines Id, qui sont des régulateurs négatifs de certains facteurs de transcription (protéines E2A et MyoD).
L'équipe a constaté que ces souris déficientes en Id2 présentent des troubles spécifiques de la fonction immune. L'architecture de leur rate est normale, mais le nombre des cellules tueuses naturelles (NK) est réduit, les ganglions lymphatiques et les plaques de Peyer sont absents, et la distribution des immunoglobulines sériques est perturbée, avec des concentrations d'IgE considérablement élevées.
Les chercheurs montrent que les cellules B déficientes en Id2 ont une activité E2A accrue, ce qui entraîne une augmentation spécifique de la transcription du locus IgE. Par voie de conséquence, les cellules B déficientes en Id2 présentent une plus grande commutation de classe vers les IgE que les cellules B normales.
Les chercheurs apportent aussi un éclaircissement sur la régulation de la réponse immune par la cytokine TGF-bêta 1 (Transforming Growth Factor bêta 1), connue pour ses effets anti-inflammatoires et immunosuppresseurs. On sait que les souris déficientes en TGF-bêta 1 présentent des troubles inflammatoires et auto-immuns. Ces souris sont aussi caractérisées par des concentrations extrêmement élevées d'IgE.
Déficit en TGF-bêta 1 et IgE élevées
Shimizu et coll. montrent maintenant que le traitement des cellules B par le TGF-bêta 1 induit l'expression d'Id2, ce qui freine la commutation de classe vers les IgE. « Nous montrons que le TGF-bêta 1 joue aussi une autre fonction importante in vivo : réduire la commutation de classe vers les IgE en induisant l'expression d'Id2 dans les cellules B », déclarent les chercheurs.
L'Id2 pourrait donc servir de sauvegarde moléculaire pour empêcher l'hypersensibilité allergique au cours des réponses immunitaires normales, proposent-ils.
« Grâce au système dans lequel l'Id2, induite par le TGF-bêta 1, réduit spécifiquement la commutation de classe vers les IgE, sans effet sur celles des autres immunoglobulines, la réponse immune de type 2 peut avoir lieu avec production d'anticorps tout en gardant de façon appropriée un taux bas des anticorps IgE. »
« L'Id2, ajoutent-ils, semble agir comme une sauvegarde moléculaire pour prévenir les complications sérieuses, y compris les troubles allergiques comme l'anaphylaxie, l'asthme, le rhume des foins et les allergies alimentaires. Des anomalies dans ce système, inversement, pourraient entraîner des troubles hyper-IgE, y compris une immunodéficience ».
Des implications intéressantes
Ces résultats ont d'intéressantes implications. Des mutations dans les séquences codantes ou régulatrices du gène Id2 pourraient être en cause dans les troubles de surproduction d'IgE, et des anomalies du signal TGF-bêta 1 pourraient aussi être en cause dans les troubles allergiques. Cette possibilité peut être testée par analyse génétique. Des médicaments qui augmentent l'expression d'Id2 ou le signal du TGF-bêta 1 pourraient offrir des approches prometteuses pour la prévention ou le traitement des allergies.
« Nature Immunology », DOI : 10.1038/ni874.
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