De notre correspondant
Pour les patients allemands, la mesure la plus spectaculaire de la réforme du système de santé, votée à une large majorité (517 voix contre 54) par les députés, concerne l'introduction d'une participation forfaitaire de 10 euros par trimestre et par pathologie, quel que soit le nombre de consultations liées à la maladie.
En clair, un patient qui verra, au cours d'un trimestre, trois fois son généraliste pour la même affection et une fois un dermatologue paiera 20 euros, soit 10 par médecin. Toutefois, si le patient est adressé au spécialiste par le généraliste, il sera dispensé de ce forfait chez le spécialiste. C'est la première fois depuis la naissance de l'assurance-maladie obligatoire (1883) que les assurés doivent participer aux dépenses médicales. Ils paieront la même somme aux dentistes et à tous les autres professionnels libéraux. En outre, ils devront, en 2005, souscrire une assurance privée s'ils veulent que leurs frais de prothèses dentaires soient remboursés, car seuls les soins dentaires conservatoires continueront à être pris en charge.
Le remboursement des frais d'optique médicale seront revus à la baisse, et les indemnités de maladie, réduites.
Dans le domaine du médicament, les tickets modérateurs de 4 euros, 4,50 ou 5 euros par boîte sont remplacés par une participation de 10 % à toutes les prescriptions, avec un minimum de 5 euros par boîte et un maximum de 10 euros. Un médicament valant 8 euros en coûtera 5 au patient, comme un médicament en valant 50, tandis qu'un médicament valant 100, 200 euros ou plus lui en coûtera 10. De plus, comme par le passé, si le médecin prescrit une spécialité alors qu'il existe un générique moins cher, le patient paiera la différence entre les deux produits. En outre, l'industrie pharmaceutique, les grossistes et les pharmaciens sont mis à contribution par des baisses de prix et de marges.
A l'hôpital, les patients paieront un forfait de 10 euros par jour, mais uniquement pendant 28 jours par an. La somme des participations aux dépenses médicales, pharmaceutiques et hospitalières ne pourra excéder 2 % du revenu annuel brut du patient. De nombreuses prestations, dont le remboursement des frais de taxi pour suivre un traitement ambulatoire et les indemnités funéraires, seront supprimées, tandis que la procréation médicalement assistée ne sera plus remboursée que dans des cas exceptionnels. Comme en France, mais dans des proportions moindres, les prochaines augmentations du prix du tabac (0,30 euro par paquet et par an pendant 3 ans) seront versées au budget de la Santé.
La réforme introduit de nombreuses mesures concrètes pour les médecins, dont l'obligation de formation continue : ils pourront être sanctionnés financièrement, voire déconventionnés, s'ils ne s'y plient pas. Les « points » qui servent à les rémunérer, et dont la valeur diminuait quand le nombre d'actes augmentait, seront désormais fixes, comme le réclament depuis longtemps les praticiens. En contrepartie, les contrôles des caisses sur leur activité et leurs prescriptions seront tout à la fois renforcés et individualisés. Les contrôles tiendront mieux compte de l'activité type de chaque médecin, selon qu'il suit, par exemple, beaucoup de personnes âgées, d'hypertendus, de diabétiques, etc.
Aprement discutée depuis plus d'un an, la réforme n'a pu aboutir qu'à l'issue d'un compromis entre le gouvernement et l'opposition. Même si les médecins ont obtenu quelques mesures qu'ils jugent positives, comme les points fixes ou la prise en compte de la morbidité de leur clientèle dans leur activité individuelle, ils dénoncent le renforcement du pouvoir des caisses sur leur activité. Pour le président de l'Ordre fédéral, le Pr Hoppe, « la version finale est meilleure que les projets initiaux du gouvernement, mais renforce une fois de plus la bureaucratie ; la réforme ne sera pas suffisante pour maîtriser les dépenses de santé à long terme ». Au total, le texte comprend 440 articles qui modifient en profondeur tous les aspects du système de santé. L'industrie pharmaceutique, directement touchée par plusieurs articles, en juge certains « inconstitutionnels », comme le déremboursement de certains produits et les rabais qui devront être consentis aux caisses sur d'autres médicaments. Elle a décidé de saisir la justice.
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