« Il existe de solides raisons pour promouvoir l'allaitement au sein : l'apport, pendant une période importante, de nutriments optimaux, la prévention du risque d'infections digestives de la petite enfance, des raisons économiques, etc. Mais sur les résultats de cette dernière étude, le prévention des allergies ne peut figurer au rang de ces arguments », concluent Malcolm Sears et coll.. (Dunedin, Nouvelle-Zélande). Selon eux, l'allaitement maternel augmente la probabilité de réponses positives des tests cutanés aux allergènes courants à l'âge de 13 ans et fait plus que doubler le risque de diagnostic d'asthme pendant l'enfance, avec persistance à l'âge adulte.
M.Sears et coll. ont examiné une cohorte d'enfants nés à Dunedin, entre avril 1972 et mars 1973. Entre les âges de 9 ans et de 26 ans, ils ont été évalués tous les deux à cinq ans, à l'aide de questionnaires sur les fonctions respiratoires, de tests de provocation bronchique et allergéniques cutanés. Parmi les enfants de la cohorte, 49 % (504/1 037) étaient allaités au sein pendant un minimum de quatre semaines. « Une fraction plus importante parmi ces enfants se sont révélés atopiques entre 13 et 21 ans, avec sensibilité aux chats (p = 0,0001), aux acariens (p = 0,0010) et aux pollens de graminées (p < 0,0001). »
Et un nombre plus important d'enfants allaités au sein ont eu un diagnostic d'asthme au cours des différentes évaluations (entre 9 et 26 ans). Ces effets ne sont pas modifiés par un ajustement pour des antécédents parentaux de rhume des foins ou d'asthme.
Des résultats contradictoires
Des résultats pour le moins en contradiction avec ceux émanant d'autres auteurs.
Il existe à peu près autant d'études montrant que l'allaitement au sein protège contre les allergies que d'études indiquant le contraire. Où peut-on trouver les différences ? Dans les méthodologies, les époques, les aliments de complément, les allergènes transmis par la mère, l'environnement, les antécédents allergiques des parents, etc. En tout état de cause, cette dernière étude ne permet pas davantage de conclure.
Les études où l'eczéma et les maladies pulmonaires sifflantes ont été évaluées avant l'âge de 2 ans, ont montré l'existence d'une protection par l'allaitement maternel exclusif. Les résultats en faveur d'un effet protecteur concernent davantage les enfants aux petits âges de la vie. Comme ceux, souvent cités, de Chandra et coll. (1997) qui ont suivi des enfants à haut risque d'allergie (72 allaités au sein et 216, non) pendant les cinq premières années de leur vie, et trouvé une réduction des atopies (eczéma et asthme) chez les premiers. Oddy et Wright sont arrivés aux mêmes conclusions.
Différents paramètres méritent d'être pris en compte pour appréhender une maladie aussi multifactorielle que l'allergie. Le terme « allaitement au sein » ne signifie pas pour Sears et coll. qu'il soit exclusif. En outre, l'allaitement maternel peut transmettre des allergènes du lait de vache. Et on ne sait toujours pas si l'addition de lait de vache en complément réduit ou augmente le risque d'allergie.
Par ailleurs, l'association positive entre l'allaitement maternel et l'augmentation du nombre des allergiques est trouvée dans cette étude, quelle que soit la durée de l'allaitement, même si elle est brève. Enfin, on s'aperçoit que l'utilisation de couvertures en peau de mouton est plus fréquente chez les enfants nourris au sein, dans un souci évident de soins des parents néo-zélandais. Ce qui peut comporter un risque supplémentaire.
Sur un plan biologique, les effets de l'allaitement au sein peuvent être dépendants de la concentration de la mère en IgE. Ils peuvent modifier la flore digestive des enfants (davantage de bifidobacterium) ou l'équilibre en endotoxines, facteurs susceptibles de modifier les réponses immunitaires prévalentes, qui font normalement évoluer le Th1 dominant dans la petite enfance vers le Th2 chez les plus grands.
« Lancet », vol. 360, 21 septembre 2002, pp. 90???-907 et éditorial 886-888.
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