Le traitement de l'embolie pulmonaire n'a pas subi de grandes modifications récemment, mais une meilleure connaissance des mécanismes de la maladie a permis d'optimiser la prise en charge.
L'INCIDENCE DE l'embolie pulmonaire (EP) ne semble pas avoir diminué au cours de ces trente dernières années et elle reste aujourd'hui une des premières causes de décès dans la population générale.
La première explication pourrait être une insuffisance diagnostique puisque les études autopsiques longitudinales montrent que dans 70 % des cas de décès par EP, le diagnostic n'a pas été posé du vivant du patient.
La suspicion d'EP est une situation fréquente et complexe, et, malgré les progrès scientifiques considérables, aucun test ne réunit l'ensemble des critères d'un examen idéal (faisabilité, précision, reproductibilité, fiabilité, utilité/coût...). Cette constatation et la prise en compte du risque d'accident iatrogène ont conduit les experts à passer du concept d'examen diagnostique à celui d'algorithme et de stratégie décisionnelle. L'utilisation de scores d'évaluation de la probabilité clinique ou de la gravité et d'algorithmes décisionnels sont des aides dont l'importance a été démontrée.
L'anticoagulation.
L'héparine non fractionnée (HNF) a longtemps été la seule molécule disponible pour traiter l'EP. Elle nécessite un contrôle biologique et une surveillance des plaquettes, elle est aussi efficace par voie sous-cutanée que par voie intraveineuse. L'emploi des HBPM à dose curative est contre-indiqué en cas d'insuffisance rénale sévère définie par une clairance à la créatinine inférieure à 30 ml/min. Deux HBPM ont obtenu une autorisation de mise sur le marché pour l'EP : la tinzaparine et l'énoxaparine. Les HBPM ne nécessitent pas de surveillance biologique pour adapter leur posologie, mais la numération bihebdomadaire des plaquettes reste recommandée. Le fondaparinux est une molécule synthétique qui agit exclusivement sur le facteur Xa. Il est administré une fois par jour par voie sous-cutanée et est éliminé exclusivement par voie rénale, il est donc contre-indiqué en cas d'insuffisance rénale. Le fondaparinux ne se fixe pas sur le facteur IV plaquettaire et aucune thrombopénie n'a été décrite avec ce produit dont l'emploi ne nécessite pas de surveillance plaquettaire. La posologie est fixe, adaptée au poids. Malgré ces qualités, il n'a pas été possible de mettre en évidence davantage d'efficacité ou de sécurité d'emploi par rapport aux HBPM ou à l'HNF dans les grands essais qui ont évalué le fondaparinux à la phase aiguë de l'EP et de la TVP. Chez le malade dont la fonction rénale est normale, on peut donc avoir recours aux HBPM ou au fondaparinux par voie sous-cutanée. Il est maintenant admis et démontré que le relais par un antivitamine K peut se faire précocement, dès le début du traitement anticoagulant. En période postopératoire, il paraît toutefois légitime de différer ce relais de quelques jours pour le débuter une fois la période de risque hémorragique passée.
Dans le cas particulier de la grossesse, bien que n'ayant pas d'autorisation de mise sur le marché, les HBPM, et particulièrement l'énoxaparine, semblent bien tolérées et sont utilisées par la plupart des équipes spécialisées après information des patientes.
Le traitement symptomatique.
Les douleurs thoraciques peuvent être très intenses, elles sont alors le fait d'embolies périphériques sans retentissement hémodynamique important. Le recours aux opiacés est parfois nécessaire et possible.
L'hypoxémie est exceptionnellement grave ; en dehors des rares ouvertures de foramen ovale, le mécanisme prédominant est une inégalité des rapports ventilation-perfusion, dont les conséquences sont facilement corrigées par l'oxygène. Le recours à la ventilation mécanique est exceptionnel et ses modalités n'ont pas de grande particularité.
L'état de choc ne se rencontre que chez moins de 5 % des malades hospitalisés pour EP. Son traitement associe un remplissage vasculaire rapide par 500 ml de sérum physiologique ou de macromolécule qui augmente significativement l'index cardiaque même quand les pressions droites sont élevées. En revanche, il n'est pas certain qu'un volume plus important soit sans danger. Si la situation hémodynamique n'est pas restaurée après remplissage, il faut recourir aux médicaments inotropes, voire aux vasopresseurs.
La place de la thrombolyse.
Les fibrinolytiques entraînent une désobstruction vasculaire pulmonaire et une amélioration hémodynamique dès les premières heures avec une baisse des résistances vasculaires pulmonaires de l'ordre de 30 à 50 % à la deuxième heure, alors qu'aucune modification n'est mesurable après 24 heures de traitement par l'héparine. En revanche, ces médicaments sont à l'origine d'un doublement des accidents hémorragiques sévères. La traduction clinique de ces avantages et inconvénients n'est pas univoque en raison du faible nombre d'essais cliniques disponibles. En attendant les résultats de nouvelles études, il n'est pas recommandé de mettre en œuvre cette thérapeutique en l'absence d'état de choc.
L'interruption cave par filtre et l'embolectomie.
Les contre-indications absolues et les échecs du traitement anticoagulant représentent des indications indiscutables de l'interruption cave en présence d'une EP ou d'une TVP proximale. Ces circonstances concernent moins de 5 % des malades atteints d'EP. Le cas des thromboses distales est plus discutable car il n'est pas certain qu'elles nécessitent un traitement anticoagulant. Des filtres dits optionnels sont en cours d'évaluation.
Les indications de l'embolectomie sont exceptionnelles. Cette technique est réservée aux malades en état de choc non contrôlé par le traitement symptomatique, qui ont une contre-indication formelle à la fibrinolyse ou dont l'état s'aggrave malgré celle-ci. La mortalité opératoire reste de l'ordre de 30 %, elle augmente avec l'âge et la survenue d'un arrêt circulatoire préopératoire. La principale cause de mortalité est la persistance de la défaillance ventriculaire droite après la désobstruction ; il faut donc ne pas attendre trop longtemps une fois l'indication posée. Les méthodes de désobstruction par cathéter restent anecdotiques et n'ont pas fait l'objet d'une évaluation fiable ; plusieurs cathéters sont en expérimentation.
D'après les communications des Drs Pierre-Marie Roy (Angers) et Gérard Meyer (Creil)
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