Entre l'ancien ministre de la Coopération et l'Algérie, c'est une longue et fidèle histoire : « Une grande partie des urologues algériens ont été formés par mes soins, à Cochin, et plusieurs d'entre eux sont restés dans mon service, dont un PUPH », raconte-t-il. Aussi, quand, au lendemain du drame qui a ravagé le littoral oriental du pays, les autorités françaises et algériennes l'ont contacté, Bernard Debré a immédiatement réagi.
Trente-six heures après les premières secousses, le vendredi 23, il embarquait à bord d'un Transal de l'armée de l'air française avec une dizaine de chirurgiens, d'anesthésistes-réanimateurs, ainsi que des infirmières spécialisées, sous l'égide d'Action pour la santé (un mouvement lancé l'an dernier par le Pr Philippe Even et qui revendique 500 adhérents, tous praticiens hospitaliers).
« Quand nous avons atterri à Alger, témoigne-t-il, les sauveteurs français étaient déjà nombreux sur place, en particulier les militaires de la Sécurité civile, qui se sont illustrés en extrayant des victimes vivantes des décombres. »
Huit personnes ont ainsi été sauvées dans la ville de Boumerdès, à 70 km à l'est de la capitale.
« Notre équipe, explique le chef du service d'urologie de l'hôpital Cochin, s'est scindée en deux groupes, un premier, avec trois chirurgiens allant renforcer l'hôpital de Boumerdès, tandis qu'un deuxième ensemble s'installait à Zemmouri, pour participer au triage des victimes. »
Dans cette ville côtière qui a subi de plein fouet les effets destructeurs du tremblement de terre, le centre-ville a été entièrement détruit, à l'image de la mosquée où les centaines de fidèles réunis pour la prière ont péri ensevelis.
Coup de feu médical
C'est surtout le lendemain de la secousse qu'ont été dégagés les blessés les plus graves. « Parmi eux, des enfants, photographiés et filmés par les reporters, dont les médias ont relayé le drame, comme cette petite fille qui était restée le bras coincé sous les gravats avant de tomber dans le coma. Nous l'hospitaliserons sur place, où elle sera opérée une première fois, avant que je ne prenne la décision de l'envoyer à Paris, à l'hôpital Robert-Debré, via un vol spécialement affrété par les autorités françaises. »
Dès le lundi 26 mai, « le coup de feu médical était passé, estime le Pr Debré. On peut considérer qu'à dater de ce jour, tous les traumatisés avaient été traités et opérés dans des conditions à peu près satisfaisantes. Essentiellement, des fractures ouvertes et fermées, des traumatismes du rachis, des pneumothorax. »
En tout, l'équipe d'APS a procédé à une dizaine d'interventions et à une centaine de triages, avant de rejoindre la France.
Pour autant, la solidarité franco-algérienne ne se relâche pas : Bernard Debré faisait encore acheminer en fin de semaine dernière un hôpital de campagne à destination de Zemmouri, avec une salle d'opération et des lits d'hospitalisation. « Sans personnel médical, précise-t-il, car ceux-ci ne manquent pas sur place, ni d'effectifs ni de compétences. Ce sont les équipements qui font défaut, en particulier quand les bâtiments ont souffert des tremblements de terre. »
« Facteur aggravant de la catastrophe, souligne Bernard Debré, la désorganisation des pouvoirs publics, l'absence sur le terrain aussi bien des fonctionnaires municipaux que nationaux, entraînant des mouvements de colère contre le pouvoir et j'ai ainsi pu assister à une scène de rue violente à Boumerdès, contre le président Abdelaziz Bouteflika obligé de quitter la ville en ruines sous les huées. Dans le même temps, les membres du FIS (Front islamique du salut, officiellement dissous en 1991, NDLR), sont omniprésents, dans leurs gandouras bleues. »
Pour l'heure, conclut l'ancien ministre, « c'est l'urgence sanitaire qui suscite maintenant l'inquiétude après l'urgence médicale, avec tous les risques épidémiques ».
D'où les efforts déployés par les associations pour fournir, comme Emmaüs France, plusieurs conteneurs de produits d'hygiène ou, des dispositifs de pompage et de distribution d'eau, à l'instigation de La Croix-Rouge française, qui a installé un réseau alimentant en eau potable 21 000 personnes dans le département de Boumerdès.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature