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LE QUOTIDIENLa balle des 35 heures est désormais dans le camp des établissements. Comment ce dossier est-il piloté par les directeurs d'hôpital ?
----ALEXIS DUSSOL: Il s'agit d'un dossier difficile. L'état des lieux local a été fait, mais pour engager la négociation dans nos hôpitaux, nous attendons le cadrage réglementaire du dispositif et la notification du nombre de postes créés par établissement. Tout cela est annoncé pour la mi-novembre. En attendant, c'est un peu l'inconnu.
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Quels vont être les principaux défis de la négociation locale ?----Il faudra trouver le moyen d'articuler la réduction du temps de travail (RTT) de la fonction publique hospitalière et celle des médecins. Jusqu'à présent, les deux démarches ont été conduites de manière parallèle. Sur le terrain, il va donc falloir inventer les synergies nécessaires. Mais le problème central sera bien sûr celui du nombre de postes accordés à chaque établissement. Les négociations s'annoncent délicates. Si elles n'aboutissent pas , les 35 heures se mettront de toute façon en place le 1er janvier. Cela étant, le processus est engagé, les directeurs feront ce qu'il faut pour que la RTT soit mise en uvre dans les meilleures conditions possible.
---- Les directeurs de centre hospitalier sont-ils, compte tenu de la dotation hospitalière annoncée pour 2002, inquiets du financement et de la RTT, et du fonctionnement général de leurs établissements ?
----En matière de RTT, nous souhaitons que les directeurs soient associés au niveau régional à la définition des critères de répartition des moyens et à la stratégie de mise en place des 35 heures. Cela ne peut pas être une simple affaire Etat-organisations syndicales. Quant au fonctionnement des établissements, il devient difficile. Les reports de charge sont particulièrement préoccupants. Aujourd'hui, les dépenses des hôpitaux vont au-delà de leurs dotations. Non pas que les directeurs soient de mauvais gestionnaires mais que les différentes mesures décidées nationalement (notamment au plan salarial), n'ont pas été financées à hauteur de leur impact. C'est le cas du protocole Aubry conclu avec les médecins au printemps 2000 : il s'applique, mais les hôpitaux n'ont pas reçu, en contrepartie, l'argent voulu.
Coupes claires dans les dépenses d'entretien
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Est-ce à dire que les centres hospitaliers sont aujourd'hui en mauvaise santé financière ?----Non, mais ils sont en mauvaise santé budgétaire. Un phénomène boule de neige est en train de se produire. Les reports de charge d'une année s'ajoutent à ceux de l'année précédente. Résultat : ils finissent par représenter 1,5 à 2 % du budget d'exploitation de certains hôpitaux. Que fait-on quand on est dans cette situation ? Ce qu'on appelle de la « cavalerie budgétaire ». Et cela paralyse toute initiative. Il faut donc faire quelque chose. Je ne demande pas aux pouvoirs publics d'éponger totalement les reports de charge des établissements ; mais je pense que la situation mérite une analyse. Il faut faire un recensement, trouver des solutions là où c'est nécessaire.
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Quelles sont les conséquences de cette fragilisation budgétaire des hôpitaux ?----Elles sont importantes dans le domaine de l'investissement. Car, quand les hôpitaux font des réductions de crédits, ils ne le font pas sur les dépenses de personnels, ils le font difficilement sur les dépenses médicales et pharmaceutiques, même si, sur ce groupe de dépenses, la conférence va faire des propositions et demander la création d'une centrale d'achat pour abaisser les coûts d'acquisition des produits. Alors, les établissements réduisent leurs dépenses d'entretien des bâtiments et n'approvisionnent plus leur compte d'amortissement. Cela induit une paupérisation du patrimoine de l'hôpital. Le parc hospitalier vieillit, devient obsolète au plan technique. La situation exige de manière impérieuse un plan de relance de l'investissement financier.
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N'est-il pas possible de continuer à restructurer le paysage hospitalier ?----Sous l'effet des taux directeurs successifs, les marges internes sont en tout cas épuisées. Nous souhaiterions que l'ONDAM (objectif national des dépenses d'assurance-maladie) hospitalier soit calculé à partir des dépenses constatées, comme c'est le cas pour la médecine de ville, et pas sur du prévisionnel. Il faut aussi reconsidérer la politique d'allocation des moyens aux hôpitaux. En effet, si personne ne peut être contre le principe de la réduction des inégalités, la manière dont les choses sont conduites n'est pas satisfaisante. Elle pose des problèmes énormes dans les régions déficitaires, comme l'Ile-de-France. La politique des enveloppes ciblées de santé publique (pour le plan cancer, le plan douleur...) doit aussi être revue. Car ces enveloppes se mettent en place au détriment des crédits de reconduction des moyens. Elles placent les directeurs dans des situations difficiles : comment expliquer à un chef de service qu'on ne lui remplacera pas une infirmière qui s'en va mais que l'on va, en revanche, créer un poste d'infirmière pour lutter contre la douleur ? Il faut, à condition de bonne performance médico-économique et d'activité reconnue par le SROS (schéma régional d'organisation sanitaire), que le taux de reconduction des moyens des hôpitaux soit privilégié.
Pénurie de médecins : le problème numéro un
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Comment les directeurs de centre hospitalier accueillent-ils les mesures d'aménagement des procédures d'autorisation des équipements lourds annoncées par le gouvernement ?----Nous sommes totalement opposés à toute dérégulation des procédures. Faire ce choix serait dangereux car cela aboutirait à concentrer les équipements là où existe la capacité à investir. Je ne suis pas sûr que le service public hospitalier serait le mieux placé dans cette course. Nous souffrons toutefois d'un retard important en matière d'équipement et il faut trouver le moyen de le combler.
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Comment mesurez-vous, dans vos établissements, l'évolution de la démographie médicale ? Les choses se sont-elles aggravées au cours des dernières années ?----La situation n'est pas rassurante. Dans un certain nombre de régions, les établissements ont d'extrêmes difficultés à trouver des médecins (pour quelques spécialités, la pénurie affecte l'ensemble de l'offre, au-delà de l'hôpital). A cause de cela, il arrive aujourd'hui qu'il faille attendre plusieurs mois pour avoir une consultation à l'hôpital. La démographie médicale est devenue notre problème numéro un. On pourra toujours soigner avec un peu moins d'argent. On ne pourra jamais le faire sans médecin. L'état des lieux a été fait, plusieurs rapports ont été publiés, il faut maintenant que les décisions soient prises, que l'on mette sur la table la question des transferts de compétences (1), qui soulagerait l'hôpital pendant les dix ou quinze années nécessaires à la formation de nouveaux médecins. Des praticiens pour lesquels on ne pourra pas faire l'économie d'un aménagement de la liberté d'installation. Un relatif consensus existe aujourd'hui sur ce point, il ne faut pas tarder à prendre des décisions. L'OMS a sacré notre système de santé meilleur du monde. Le maillage très serré du territoire est une de nos forces. Il faut absolument le préserver et empêcher que ne subsiste, à terme, qu'une médecine des grandes villes. Notre conférence, qui représente les plus petits hôpitaux, est parmi les mieux placés pour porter ce message.
(1) Le transfert de compétences permettrait à certains spécialistes de réaliser des actes jusqu'ici réservés à d 'autres spécialités, ou à des professions médicales ou paramédicales de réaliser des actes réservés à des médecins.
Les clefs de la répartition des emplois de la RTT
Le ministère de l'Emploi et de la Solidarité a donné aux directeurs d'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) les clefs de la répartition des emplois qui vont être créés en trois ans dans le cadre du passage aux 35 heures de la fonction publique hospitalière.
Sur les 45 000 nouveaux postes prévus, 8 000 vont aller au secteur médico-social et 37 000 aux hôpitaux. Pour chaque établissement, l'attribution des emplois RTT se fera pour l'essentiel (80 %) au prorata des effectifs. Les 20 % restants seront affectés en fonction de la productivité des hôpitaux, les établissements ayant une bonne productivité (mesurée à partir des points ISA - indices synthétiques d'activité) recevant plus que les autres.
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