LES ASSOCIATIONS le réclamaient depuis deux ans. Après avoir reçu, il y a quelques jours, Nourredine et Djamila Bouricha, parents de la petite Camélia, atteinte d'ostéogenèse imparfaite, soupçonnés à tort de maltraitance, le ministre de la Justice a souhaité réunir les experts afin « d'élaborer une méthodologie de traitement des affaires dans lesquelles il y a doute légitime sur l'existence de maltraitance sur mineur ». La réunion, présidée par le garde des Sceaux lui-même, s'est donc tenue à la Chancellerie, sous les lambris du Salon des oiseaux.
Plus d'une quinzaine d'experts se sont rencontrés pendant près d'une heure et demie. Parmi eux, des spécialistes de la génétique, le Pr Stanislas Lyonnet (chef de service à l'hôpital Necker et expert auprès des cours d'appel de Paris et de Versailles) et le Dr Martine Le Merrer (Necker), un chirurgien en orthopédie pédiatrique, le Dr Georges Finidori (Necker), un radiologue pédiatrique, le Pr Gabriel Kalifa (Saint-Vincent-de-Paul), un pédiatre, Dr Caroline Rey-Salmon (Trousseau, expert près de la cour d'appel de Paris) et enfin le Pr Didier Gosset, président de la Société de médecine légale et de criminologie de France et directeur de l'institut de médecine légale et de médecine sociale (faculté de Lille).
Poursuivre les échanges.
A l'issue de cette première table ronde, Dominique Perben a souhaité que se poursuivent les échanges entre spécialistes, en soulignant la difficulté du problème : rester vigilants sur le signalement de la maltraitance sans être injustes. « Nous devons rester très mobilisés contre la maltraitance familiale, mais en même temps nous devons régler cette difficulté particulière qui tient à l'existence d'une maladie rare qui a toute l'apparence d'une maltraitance et qui n'en est pas. C'est pourquoi j'ai souhaité qu'on se mobilise très vite pour éviter cela. Car je ne voudrais pas que les intérêts légitimes de la protection des familles victimes remettent en cause les efforts faits par les médecins, les services sociaux, les magistrats pour lutter contre la maltraitance familiale. »
Si aucune mesure concrète n'a, pour l'heure, été prise, le garde des Sceaux a souligné l'importance d'une sensibilisation de tous les intervenants. « Je vais de mon côté, a-t-il indiqué, faire passer l'information aux magistrats concernés, ceux du parquet des mineurs et les juge pour enfants, pour que, malgré sa rareté, ils soient alertés sur cette maladie. » Le rôle des médecins est aussi très important. En dépit des difficultés, les procédures qui conduisent au diagnostic devraient être accélérées pour que les juges, conduits à décider d'un éventuel placement, « puissent savoir suffisamment vite s'il y a maltraitance ou non ou si le doute persiste », a-t-il commenté en souhaitant la collaboration du ministère de la Santé . Il faut que « les magistrats sachent à quels spécialistes s'adresser pour essayer d'avoir les réponses les plus exactes possibles sur le diagnostic ».
Les spécialistes présents se sont félicités de cette première prise de contact. « Chacun a fait part de ses doutes, de ses difficultés et des problèmes qu'il rencontre. Cela ne devrait pas déboucher sur des mesures brutales, mais sur une plus grande sensibilisation des différents corps de métiers. Les experts devraient être encore plus sollicités, surtout dans les cas difficiles où le diagnostic ne repose que sur une concordance de faits », affirme le Pr Kalifa. Le Pr Didier Gosset note, pour sa part, qu' « on se dirige vers la mise en place d'une information, notamment à destination des magistrats. Mais il y a également à faire du côté des médecins. Parce que l'information existe sur la maltraitance mais n'est peut-être pas aussi pointue que souhaitée sur les maladies orphelines. Cela pourrait déboucher sur des actions de formation et des recommandations ». Isabelle Couzy, vice-présidente chargée des fonctions de juge des enfants au tribunal de grande instance de Paris, reconnaît que « l'on n'est jamais à l'abri d'erreurs » et que l'expertise médicale n'est qu'une partie des éléments sur lesquels se fonde la décision. Cependant, le risque de méprise peut être réduit « si le diagnostic est nuancé et si l'on sait qu'il faut du temps pour poser un diagnostic sûr et certain ».
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