La découverte, dimanche, de traces de ricin dans un appartement du quartier de Wood Green (nord de Londres), suivie de l'arrestation par la brigade antiterroriste de Scotland Yard de six hommes d'origine nord-africaine âgés de 20 à 40 ans, ont été rendues publiques par le Premier ministre britannique lui-même. Tony Blair a saisi l'occasion d'une conférence réunissant 150 ambassadeurs pour souligner dans cette affaire « le danger d'actes terroristes » selon lui « présent et réel » sur le sol britannique.
Le ministère de la Santé a adressé aussitôt un message d'alerte aux hôpitaux, appelés à être très vigilants face à tout symptôme - souvent ceux d'une banale grippe - qui pourrait révéler que quelqu'un aurait été en contact avec ce poison. Il revient aux établissements de santé de distribuer à leur personnel l'information dont ils ont besoin, a expliqué le Dr Sue Atkinson, directrice de la santé publique à Londres, ajoutant que le public devait être « alerté mais pas alarmé. »
Les journaux tabloïds ne se privent pas de répandre la crainte d'une attaque terroriste massive sur la Grande-Bretagne.
Si l'huile de ricin est bien connue de par le monde comme un laxatif parfaitement anodin, son résidu, la ricine, présente dans le tourteau de la graine, est une substance protéique particulièrement toxique, l'une des plus redoutables qui soient présentes dans le règne végétal. Vivace et arbustive en Afrique tropicale, herbacée et annuelle dans les régions tempérées, la plante Ricinus communis est très répandue. Elle est cultivée notamment en Californie et en Nouvelle-Ecosse (Canada) où ses plantes aux larges feuilles palmées et luisantes sont appréciées dans la décoration des jardins.
« La dose létale est estimée à 1 mg par kilo, soit 30 mg pour tuer un adulte, dans le cas d'une absorption par inhalation ou par ingestion, explique au « Quotidien » le Pr Alexandre Bazire (centre anti-poison Fernand-Widal, Paris) . Elle descend à 1 à 3 μg par kilo par la voie parentérale, de loin la plus redoutableentraînant des troubles neuro-musculaires et des convulsions ».
Selon ce spécialiste, qui collabore au plan Biotox (dispositif destiné à combattre le risque d'une attaque biologique ou chimique sur la population française), ce sont ses priorités hydrosolubles qui constituent le risque majeur, l'eau du robinet pouvant être contaminée à partir des stations d'épuration, sans présenter un goût qui soit décelable. Mais les charbons utilisés dans la filtration devraient retenir la toxine.
Les risques d'une aérosolisation paraissent minimes compte tenu de la complexité technique d'une vaporisation de la toxine.
La voie intramusculaire a été déjà signalée, notamment dans plusieurs meurtres de dissidents politiques bulgares en exil à Londres, dont celui de Georgi Markov, en 1978, lors de l'épisode resté célèbre sous le nom de parapluie bulgare.
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne avaient mené des recherches pour élaborer une bombe au ricin ; désignée sous le nom de code de Compound W, l'arme biologique avait été testée mais jamais utilisée. En 2001, des articles de presse avaient affirmé que des notes d'instruction avaient été découvertes dans une maison à Kaboul appartenant à des membres du réseau Al-Qaïda. Elles expliquaient comment créer et développer des armes de destruction massive à partir de cette toxine.
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