LES AFFECTIONS de longue durée (ALD) sont plus que jamais dans la ligne de mire de l'assurance-maladie, puisqu'elles mobilisent à la fois la majeure partie des remboursements et l'essentiel de l'accroissement des dépenses, en raison d'une conjonction de facteurs structurels (vieillissement démographique, prise en charge précoce, survie plus longue en cas de pathologie lourde, etc.). «En 2006, les 14% de patients en ALD [soit 7,7 millions de personnes dans le régime général] concentrent 64% de la dépense, rappelle le document de la CNAM examiné aujourd'hui. À l'inverse, plus de 50% de la population ne représentent que 5% des remboursements.» La Caisse souligne en outre que, «même au sein des ALD, la dépense est très concentrée» dès lors que 41,5 % des remboursements liées aux ALD concernent seulement 5 % des patients admis dans ce régime de prise en charge à 100 %. Quant au coût moyen des maladies ALD les plus fréquentes, il «s'étage entre 7000 et 12000euros» par an.
L'assurance-maladie souligne que «73% de la croissance des coûts en établissement» et «68% de la croissance des soins de ville» ont tendance à se focaliser dans les prochaines années sur «quatre segments», à savoir : la pathologie cardio-vasculaire, les tumeurs malignes, le diabète et les affections psychiatriques de longue durée.
En fait, le patron de la CNAM, Frédéric Van Roekeghem, prend au mot le gouvernement qui affiche une volonté politique de réduction des déficits sociaux sans augmenter les prélèvements obligatoires. Le 6e axe de son plan (voir page 4) pour 2009 suggère donc de «faire évoluer les conditions de prise en charge»via«une gestion rénovée de la liste ALD» qui pourrait faire économiser jusqu'à «300millions d'euros» à la Sécu dans le champ de l'ONDAM. Une des propositions chocs du plan de la CNAM consiste à aligner le taux de remboursement des médicaments à vignette bleue (SMR faible ou modéré) pour les ALD sur celui des autres assurés, afin de le réduire à 35 %, au lieu de 100 % aujourd'hui si la prescription est en rapport avec l'ALD. La caisse considère que la prise en charge du ticket modérateur de 65 % «pourrait être transférée aux organismes complémentaires», sauf pour les personnes invalides, les victimes d'accident du travail et les femmes enceintes. La proposition a été rejetée d'emblée par le ministre du Budget et des Comptes publics. «Aucune remise en cause du remboursement à 100% des affections de longue durée» n'est à l'ordre du jour, a assuré Éric Woerth au micro de France Culture. La CNAM elle-même a précisé depuis que «l'opportunité» de la mesure devait être «examinée» aujourd'hui par les partenaires sociaux siégeant au sein de son Conseil.
En tout cas, le document de la CNAM préconise plus largement une révision à la baisse du périmètre du régime ALD afin d' «en réserver le bénéfice aux pathologies qui sont véritablement longues et coûteuses, parallèlement au développement d'une prévention efficace des pathologies» (maladies cardio-vasculaires et diabète, notamment). La CNAM renvoie ainsi la balle dans le camp de la Haute Autorité de santé (HAS) et de l'état, seuls à même de «faire évoluer les critères du dispositif actuel de l'ALD afin d'en garantir la soutenabilité à moyen terme».
Une tentation ancienne.
Depuis 2006 déjà, la CNAM ne cache pas qu'elle verrait bien sortir du régime ALD les patients diabétiques qui ne souffrent pas de complications, tout comme les assurés hypertendus sans maladie cardio-vasculaire avérée. Une approche que ne partagent pas actuellement les responsables de la HAS. Certes, lorsque la Haute Autorité avait proposé à la fin 2007 trois scénarios d'évolution des critères d'admission au régime ALD, elle avait évoqué l'hypothèse d'un simple dépoussiérage du dispositif, mais aussi la possibilité d'une exclusion pure et simple de certaines maladies (comme l'hypertension artérielle, la tuberculose), ou de certaines pathologies au-dessous d'un stade de gravité clinique (diabètes non compliqués, insuffisance rénale non sévère, maladie coronarienne sans un précédent d'épisode aigu). Il reste que le Pr Laurent Degos, président de la HAS, et son « Monsieur ALD », Raoul Briet, n'ont eu de cesse de défendre depuis leur troisième scénario qui consiste à inciter les pouvoirs publics à faire table rase du régime ALD et des autres systèmes d'exonérations au profit d'un bouclier sanitaire jugé plus juste au regard des restes à charge assumés par les patients, bénéficiaires ou non d'un statut « ALD ». La HAS estime en effet que, de nos jours, un malade en ALD n'est pas systématiquement confronté à des dépenses importantes et que, à l'inverse, des malades non ALD sont soumis à de forts restes à charge.
L'idée d'un bouclier sanitaire, avancée en juin 2007 par Martin Hirsch, haut-commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté, repose sur le principe d'une prise en charge à 100 % par l'assurance-maladie pour tout patient, dès lors que le montant cumulé des retenues opérées par la Sécu sur ses remboursements (franchises, ticket modérateur, forfaits…) a atteint un plafond dans l'année. Défendu par les experts, le bouclier sanitaire se heurte à des obstacles techniques et surtout politiques. Et, pour l'heure, le gouvernement ne s'est pas encore prononcé sur le sort réservé au régime ALD dans un contexte de transfert de charges vers les complémentaires.
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