« Tout le monde parle de la gueule de bois (alcohol hangover en anglais), mais peu de gens savent ce qu’est réellement cette pathologie. Et les médecins ne font pas exception », explique au « Quotidien » le Pr Olivier Blétry, interniste à l’hôpital Foch (Suresnes).
La gueule de bois se traduit par un cortège de symptômes d’intensité variable selon les individus. Céphalées (66 %) et mal-être (60 %) sont au premier plan et un patient sur cinq se plaint de tremblements, de nausées, de diarrhée, d’asthénie, voire de troubles cognitifs avec amputation du champ visuel. Ces signes surviennent 12 à 24 heures après la prise d’alcool, à un moment où le taux d’alcoolémie s’est abaissé et peut être proche de la négativité.
Ce que la gueule de bois n’est pas
« Pour diagnostiquer une gueule de bois, il est donc essentiel de prendre en compte le délai après la prise d’alcool et d’éliminer tous les diagnostics différentiels : coma alcoolique, hypoglycémies réactionnelles à la prise d’alcool, migraine, hépatites alcooliques aiguës et flush plus communément retrouvé chez les Asiatiques (liés à une activité ALDH déficiente) », continue le Pr Blétry.
Cliniquement, outre les céphalées qui peuvent se révéler parfois très intenses, la gueule de bois se caractérise par des modifications hémodynamiques : augmentation de la fréquence cardiaque, majoration de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG), hypertension artérielle, vasoconstriction périphérique (alors que l’intoxication aiguë entraîne pour sa part une vasodilatation) et déshydratation.
Hormones, électrolytes et toxines
Du point de vue hormonal et électrolytique, cette pathologie se distingue de l’intoxication alcoolique aiguë. Certains taux hormonaux sont majorés (hormone antidiurétique, aldostérone, rénine, cortisol, glucagon) alors que d’autres sont abaissés (GH, prolactine). L’inhibition de l’hormone anti-diurétique est à l'origine d'un état de déshydratation, qui est toutefois moins marqué chez les fumeurs puisque le tabac est doté d’un effet favorisant la rétention d’eau.
« Au niveau cellulaire, il existe chez les patients atteints de gueule de bois une libération de toxines dont l’intensité n’est pas directement liée à la quantité d’alcool consommée. L’acétaldéhyde, produit de dégradation de l’alcool, pourrait être à l’origine de certains signes cliniques. Mais d’autres substances pourraient être impliquées : dialdéhyde malonique, radicaux libres, prostaglandines, cytokines, thromboxane… », explique le Pr Blétry.
Éviter avant tout…
Alors comment traiter ces lendemains de fête ? Peut-être avant tout en les évitant... Les mélanges d’alcools entre eux et avec des autres boissons sont particulièrement à risque. A l’inverse, les alcools blancs (rhum, vodka, gin) semblent assez pourvoyeurs de gueule de bois.
Mais si les signes surviennent quand même, de rares traitements ont fait leur preuve dans un contexte d’études contrôlées : réhydratation, même si elle est dotée d’un effet modeste, lutte contre le stress oxydatif par l’injection de vitamines C, B1 ou E, N acétyl cystéine (qui restaure les stocks de glutathion), acide tolfénamique ou préparations officinales à base de bourrache ou de levures.
Le Pr Olivier Blétry est chef du service de médecine interne à l’hôpital Foch, Suresnes et auteur du livre : « Du symptôme à la prescription en médecine générale », Ed Elsevier Masson, 2009
Références :
Wiese J, Shlipak M, Browner W. The alcohol hangover. Ann Intern Med 2000 ; 132 : 897
Pinter M, Verester J, Ernst E. Interventions for preventing or treating alcohol hangover : systematic review of randomised controlled trials. BMJ. 2005 Dec 24;331(7531):1515-8. Review.
INSERM. Expertise collective. Alcool effets sur la santé, 2001
Charpak Y, Hoang AV. Petit guide de la cuite. Ed Ramsay. 1986
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