LA SOCIÉTÉ française de rhumatologie (SFR) et le Cub rhumatismes et inflammations (CRI) ont décidé de mettre en place deux registres pour colliger les données de tolérance et d'efficacité en pratique courante de deux nouvelles biothérapies de la polyarthrite rhumatoïde (PR) : le registre AIR-PR pour le rituximab et ORA pour l'abatacept. Ces deux biothérapies ont démontré leur efficacité dans des essais cliniques contrôlés. Mais les données de tolérance et d'efficacité à long terme, en pratique clinique courante, chez des patients non sélectionnés par les critères d'inclusion et d'exclusion stricts des essais cliniques et ayant de nombreuses comorbidités sont limitées.
L'intérêt des registres mis en place depuis de nombreuses années en rhumatologie dans le reste de l'Europe et aux États-Unis est de permettre la mise en évidence d'effets indésirables graves (EIG) rares, grâce au suivi à long terme d'une population de taille plus importante que dans les essais cliniques, ou d'EIG survenant préférentiellement dans une population ayant certaines comorbidités.
Les objectifs de ces registres sont donc d'apporter une meilleure connaissance de la tolérance et de l'efficacité de ces biothérapies dans la « vraie vie », mais aussi de constituer des bases de données permettant d'initier collectivement des projets d'études. Il s'agit d'un suivi observationnel, prospectif sur 5 ans. Des attachés de recherche clinique (ARC) se déplacent dans les différents services participant aux registres pour recueillir les données. Ces registres proposent un suivi standardisé de la tolérance du rituximab et de l'abatacept comportant le relevé des EIG, comme les infections sévères, les cancers, les réactions aux perfusions, les accidents thromboemboliques et les décès. L'efficacité est évaluée sur l'évolution du DAS28, un score d'activité validé et consensuel de la maladie. Les laboratoires pharmaceutiques, Roche pour le rituximab et Bristol-Myers Squibb pour l'abatacept, assurent le financement de ces registres, exclusivement dédié au cahier de recueil électronique et à la rémunération des ARC. Les deux registres sont coordonnés par le Pr Xavier Mariette, ont un méthodologiste indépendant, le Pr Philippe Ravaud, et un conseil scientifique qui se réunit deux fois par an. Ce conseil scientifique discute de l'état des lieux des inclusions des patients et analyse les résultats et les projets d'études cliniques qui seront réalisées à partir des registres. Le cahier de recueil électronique des données permet de communiquer les résultats quatre fois par an par des newsletters.
Déjà près de 1 000 patients-années pour le registre AIR-PR.
Le registre AIR-PR, mis en place depuis septembre 2005, inclut à ce jour 1 214 patients recrutés dans 63 services hospitaliers, dont 40 % sont des centres hospitaliers généraux. Quatorze pour cent des patients ont un antécédent de cancer et 31 % d'infections sévères. Leur PR est active, avec un DAS28 moyen à l'inclusion de 5,7. Malgré l'AMM (échec des anti-TNF, association au méthotrexate), 21 % des patients n'ont jamais été traités par anti-TNF avant le rituximab et 33 % sont traités par rituximab en monothérapie, sans association au méthotrexate. La corticothérapie orale est encore très fréquente, avec 81 % des patients recevant des corticoïdes à la dose moyenne de 12,5 mg/jour.
Parmi les 1 214 patients inclus, 932 ont eu au moins une visite de suivi, avec un suivi moyen de 53 semaines, ce qui correspond à 959 patients-années. Soixante-six infections sévères ont été notées, soit 6,9/100 patients-années, ce qui est légèrement supérieur aux résultats des essais cliniques (entre 5,2 et 5,9). Cette différence est probablement liée aux comorbidités sévères des patients dans « la vraie vie ». Les premières données d'efficacité montrent une réponse EULAR chez 53 % des patients.
Un démarrage réussi pour le registre ORA.
Le registre ORA est plus récent, puisqu'il n'a débuté qu'en mai 2008, mais l'effort collectif des rhumatologues et des internistes français a déjà été important, avec 152 patients inclus en 3 mois dans 34 centres. Les premiers résultats démographiques chez 77 patients, âgés de 57 ans en moyenne, montrent 5 % d'antécédents de cancers et 35 % d'infections sévères. Ici, également, il s'agit de patients ayant une PR active avec un DAS28 moyen de 5,4 et un taux de CRP à 30,2 mg/l. Le nombre moyen de traitements de fond conventionnels, avant mise sous abatacept, est de 4,2. Treize pour cent n'ont jamais eu d'anti-TNF et 7 % n'ont reçu ni anti-TNF ni rituximab avant l'abatacept. Les pourcentages de malades ayant été traités auparavant par un, deux ou trois anti-TNF sont, respectivement, de 21, 32 et 33 %.
L'abatacept est prescrit en monothérapie chez 23 % des patients et le méthotrexate lui est associé dans 77 % des cas. Quatre-vingt-cinq pour cent des malades reçoivent une corticothérapie orale à la posologie moyenne de 12,5 mg/l. À ce jour, 45 patients ont eu au moins une visite de suivi, avec un suivi moyen de 7 mois. Deux cas d'infections sévères ont été rapportés.
D'après un entretien avec le Pr Jacques-Éric Gottenberg, CHRU de Strasbourg.
Sites Internet des registres : www.air-cri.org et www.ora-cri.org.
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