De notre correspondante
à New York
LA SEPTICEMIE représente la troisième cause de décès dans les pays développés et, en dépit des progrès thérapeutiques, elle reste associée à un taux de mortalité élevé. Bien que déclenché par une infection, le développement de la septicémie est caractérisé par une réponse inflammatoire systémique énorme qui aboutit à une défaillance d'organe fatale. L'endotoxine et d'autres composants microbiens activent les macrophages qui produisent alors des cytokines pro-inflammatoires, comme le TNF-alpha et l'Il-1 bêta. Cependant, la neutralisation du TNF-alpha et de l'Il-1 bêta n'a donné que des résultats modestes chez des patients gravement malades. Ce qui suggère que des cytokines pro-inflammatoires d'aval (ou tardives) pourraient contribuer à la septicémie.
L'équipe dirigée par le Dr Luis Ulloa (North Shore-LIJ Research Institute, Manhasset, New York) avait précédemment identifié la protéine Hmgb1 (High mobility group box 1) comme un médiateur tardif de l'inflammation systémique létale dans la septicémie. L'Hmgb1 est libérée dans le milieu extracellulaire par les macrophages activés et agit comme une cytokine pro-inflammatoire.
L'équipe rapporte maintenant la découverte d'un nouveau mécanisme anti-inflammatoire physiologique qui pourrait être exploité pour le traitement de l'inflammation systémique. Ce travail est décrit dans la revue « Nature Medicine ».
L'acétylcholine régule les cellules immunes.
Les chercheurs ont découvert que l'acétylcholine, le neurotransmetteur des nerfs cholinergiques, régule les cellules immunes. L'acétylcholine inhibe en effet la libération par les macrophages de l'Hmgb1 à travers l'activation d'un récepteur acétylcholine nicotinique, alpha7nAChR.
Forts de cette découverte, les chercheurs ont ensuite constaté que la nicotine, un agoniste cholinergique sélectif, est encore plus efficace que l'acétylcholine et inhibe la libération d'Hmgb1 induite par l'endotoxine ou le TNF-alpha.
Ils ont alors étudié l'effet thérapeutique de la nicotine, d'abord dans un modèle d'inflammation systémique chez la souris, induite par injection intrapéritonéale d'endotoxine (LPS). Un traitement par nicotine (administré 30 min avant injection d'endotoxine, puis 3 fois par jour pendant 3 jours) a considérablement amélioré la survie des souris évaluée après trois semaines (survie de 81 %, comparée à 44 % pour les souris témoins) et atténué les manifestations de l'endotoxémie.
Après avoir établi son effet préventif contre l'endotoxémie, les chercheurs ont également montré que la nicotine pourrait traiter efficacement la septicémie polymicrobienne. La ligature et ponction du caecum chez la souris est un modèle de septicémie humaine, entraînant une péritonite fatale par infection polymicrobienne. Le traitement par nicotine, débuté 24 heures après le geste chirurgical (septicémie établie) et poursuivi pendant 3 jours, a significativement amélioré la survie des souris qui recevaient par ailleurs une antibiothérapie (survie de 85 % contre 50 %).
Un avantage majeur.
« L'acétylcholine se révèle être le premier inhibiteur physiologique connu de la libération de l'Hmgb1, un médiateur tardif de la septicémie létale qui est produit plusieurs jours après l'infection », explique au « Quotidien » le Dr Ulloa. « Notre étude définit une « voie anti-inflammatoire nicotinique » qui pourrait constituer un avantage majeur pour le développement de nouvelles stratégies pharmacologiques contre la septicémie, et peut-être contre d'autres troubles inflammatoires. » Ces résultats sont importants pour trois raisons, souligne-t-il. « Premièrement, l'absence de traitement efficace contre la septicémie sévère. Deuxièmement, plutôt que de se concentrer sur la neutralisation de cytokines individuelles, nous nous sommes intéressés à un récepteur spécifique qui peut réguler la production de plusieurs médiateurs inflammatoires. Troisièmement, nos résultats indiquent un avantage de survie dans la septicémie expérimentale, même lorsque le traitement n'est débuté qu'un jour après le déclenchement de la péritonite . »
L'équipe cherche maintenant à développer des agonistes nicotiniques plus spécifiques, dénués des effets secondaires de la nicotine. Leur effet thérapeutique sera également évalué dans d'autres troubles inflammatoires, comme la polyarthrite rhumatoïde ou la rectocolite hémorragique.
« Nature Medicine », 24 octobre 2004, DOI : 10.1038/nm1124.
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