En Afghanistan, la guerre n'est pas finie : les Américains continuent de pourchasser, avec plus ou moins de succès, les forces d'Al Qaïda, qui se cachent dans les replis montagneux du pays et n'ont pas désarmé.
La tâche est difficile, pour ne pas dire impossible. Les Afghans étaient impatients d'obtenir l'intervention militaire des Etats-Unis contre les talibans. Ils commencent à être agacés par ce qu'ils considèrent comme une présence envahissante des Américains. Ils estiment que les talibans sont des Afghans et que, à ce titre, ils ne doivent pas être livrés aux troupes des Etats-Unis. C'est la raison pour laquelle ils ont laissé s'enfuir le mollah Omar et plusieurs de ses principaux lieutenants.
Le rôle de Hamid Karzaï
Jusqu'à présent, le chef du gouvernement afghan, Hamid Karzaï, est parvenu à contrôler le fragile esquif sur lequel il est embarqué. Bien qu'il ne puisse négliger une présence américaine sans laquelle il ne serait pas au pouvoir, il ne souhaite par l'éradication des talibans qui, à ses yeux, sont des Afghans comme les autres et ont droit à une forme de rédemption. Or le pays reste très divisé et pas seulement parce que les talibans se sont souvent reconvertis en Afghans anonymes, mais aussi parce que les conflits interethniques qui ont déclenché le chaos se poursuivent.
A plusieurs reprises, les nouveaux dirigeants du pays ont jugé que la présence de troupes étrangères sur leur sol n'était pas nécessaire. Pourtant, M. Karzaï n'assure pas la sécurité de ses concitoyens. Il est possible, mais difficile, de désarmer les bandes en haillons qui composaient l'ex-Alliance du Nord. Toute liberté est accordée aux Américains de rechercher et d'arrêter ou de détruire les membres d'Al Qaïda. Mais la collaboration afghane à cette tâche écrasante est maintenant accordée à contrecœur.
Les Afghans sont plus pressés de disposer du pouvoir politique et de l'exercer que de mettre de l'ordre dans un pays qui n'a connu que la guerre pendant vingt-cinq ans et où chacune des très nombreuses factions sait qu'elle a des responsabilités dans l'anarchie qui a suivi le départ des Soviétiques. Comme tout le monde, ou à peu près, est coupable du désordre qui règne dans le pays, tout le monde a droit à l'indulgence.
L'Europe et le Japon, à peu près absents de la bataille, joueront un rôle utile dans la reconstruction de l'Afghanistan, comme en témoignent les promesses d'aide chiffrées qui ont été faites à la Conférence de Tokyo. La communauté internationale a heureusement compris qu'elle ne pouvait pas abandonner l'Afghanistan à son sort sans en faire, une fois encore, un repaire de terroristes.
C'est pourquoi la présence d'une force internationale devrait être mieux perçue par les Afghans, particulièrement fiers et jaloux de leur indépendance. L'aide économique serait dépensée en pure perte si elle n'était pas assortie d'un retour à l'ordre et au travail.
L'insaisissable Ben Laden
Quant aux Américains, ils ont le sentiment d'avoir promptement libéré l'Afghanistan du joug taliban et d'avoir au moins désorganisé les réseaux terroristes. Mais ils n'ont pas pu s'emparer de Ben Laden et du mollah Omar. Des milliers de membres d'Al Qaïda ont réussi à s'enfuir, souvent parce que les combattants afghans les ont laissé franchir la frontière avec le Pakistan. Le président du Pakistan, Pervez Moucharraf, estime que Ben Laden est mort. Une première fois, il a émis l'idée que le chef terroriste avait péri dans un bombardement. Une deuxième fois, il a supposé que Ben Laden, qui a besoin d'une dialyse régulière, était mort d'une défaillance rénale. Mais personne ne peut confirmer ces hypothèses.
Et la guerre contre le terrorisme, qui a donné des résultats mitigés en Afghanistan, se poursuit en Europe, aux Philippines (où les Américains envoient des troupes pour combattre Abou Sayyaf, lié à Ben Laden) et aux Etats-Unis où ont eu lieu plusieurs centaines d'arrestations.
Les dirigeants américains se sont gardé de crier victoire. Ils ne croient pas que la menace terroriste ait diminué et la traque d'Al Qaïda pose de multiples problèmes, d'autant que les terroristes arrêtés ne parlent pas, ou presque pas. Tout au plus M. Bush peut-il dire, en croisant les doigts, qu'il a empêché que ne se produise une nouvelle catastrophe. Mais l'incident impliquant le Britannique Richard Reid, dont on sait aujourd'hui qu'il n'a pas agi seul, mais qu'il a été recruté par Al Qaïda, suffit à montrer que la sécurité des pays industrialisés est encore aléatoire.
Cependant, la guerre contre le terrorisme ne diminuera pas d'intensité. Même si les troupes de Ben Laden cherchent à prendre leur revanche, l'état d'alerte est tellement intense aux Etats-Unis et en Europe, qu'ils auront beaucoup de mal à faire jouer la surprise, leur principale alliée. Avant d'attaquer, les terroristes doivent aujourd'hui se protéger. Et ils ne pourraient monter une opération complexe, comme l'attaque contre les tours du World Trade Center, que s'ils bénéficiaient encore d'une protection que très peu d'Etats, désormais, peuvent leur accorder. Même les ennemis déclarés de l'Amérique, par exemple l'Irak ou l'Iran, hésiteront à accorder leur aide à Al Qaïda, car elle les exposerait à de très sévères représailles.
Les racines du mal
Tout en restants vigilants, les pays occidentaux doivent commencer à réfléchir sur les racines du mal. Si la sécurité correspond à un besoin immédiat, le problème de fond ne sera résolu que si les relations avec les pays pauvres sont révisées de fond en comble. Il s'agit d'une tâche géopolitique immense, qui implique un budget d'assistance colossal, une attitude politique plus respectueuse de la dignité et de la souveraineté des pays les moins favorisés, un effort de transparence dans les rapports diplomatiques, notamment avec les gouvernements qui ont laissé se créer des réseaux terroristes pour que leur autorité ne soit pas discutée sur le plan intérieur. Ce travail n'a pas encore commencé.
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