Sans doute en prévision des ripostes que son action allait susciter, Myriad Genetics a décidé de ne pas se contenter d'un unique brevet pour asseoir son monopole commercial en Europe.
L'enjeu - la centralisation à Salt Lake City des tests permettant le diagnostic d'une prédisposition aux cancers du sein et de l'ovaire - a dû être jugé trop important. C'est donc non pas un mais trois brevets qui ont été déposés auprès de l'OEB entre 1994 et 1995, chacun apportant de nouvelles revendications. Tous trois ont été délivrés par l'OEB, respectivement le 10 janvier, le 23 mai et le 28 novembre 2001. L'institut Curie s'est déjà opposé au premier d'entre eux en octobre 2001, dans le délai des neuf mois après la délivrance. Désormais, le célèbre Institut s'attaque au deuxième brevet.
Tout comme le premier brevet, qui se contentait de décrire la séquence du gène sauvage BRCA1, le deuxième brevet inclut des applications industrielles très vastes. Il couvre sans restriction toute méthode utilisant une comparaison de la séquence d'une personne à risque avec la séquence de référence décrite par le brevet, quelle que soit la méthode utilisée - séquençage, peignage, criblage... En plus, le deuxième brevet porte sur 34 mutations spécifiques du gène BRCA1 responsables de la prédisposition au cancer (800 sont connues à ce jour).
Les contestataires devaient se manifester avant la date butoir du 23 février 2002. C'est chose faite, puisque l'institut Curie, l'AP-HP et l'institut Gustave-Roussy ont déposé leur dossier d'opposition à l'OEB vendredi dernier. « Les gouvernements belge et hollandais vont également déposer une opposition à ce même brevet », affirme-t-on à Curie. Dans l'espoir que, cette fois, toutes les oppositions seront jugées recevables. En effet, en octobre dernier, seul le dossier français avait été reçu par l'OEB. Les dossiers belge et italien étaient trop « bâclés », déclare-t-on à Curie.
Un long parcours
L'opposition ne constitue que la première étape d'un long et fastidieux parcours administratif, comme en témoigne la procédure engagée contre le premier de ces trois brevets européens.
Myriad, qui vient de recevoir le dossier d'opposition correspondant, dispose de quatre mois pour trouver un compromis acceptable par Curie. Lequel aura à son tour quatre mois pour examiner la proposition de Myriad.
A la suite de quoi, l'OEB devra trancher ou, en cas de litige, procéder à des auditions. Le verdict final ne tombera pas avant plusieurs années. Il en sera de même, logiquement, pour la deuxième opposition. D'ici là, les brevets restent valables.
Le troisième brevet est encore plus pernicieux que les deux premiers, puisqu'il assure à Myriad l'exclusivité commerciale sur toutes les applications thérapeutiques futures, y compris la thérapie génique. « Il y a fort à parier qu'une troisième procédure d'opposition soit à prévoir dans les mois qui viennent, déclare-t-on à Curie. Voire une quatrième, si l'on tient compte d'un autre brevet de Myriad, en phase d'examen à l'OEB. Déposé en décembre 1996, il concerne toujours le diagnostic de la susceptibilité au cancer du sein, mais liée au gène BRCA2. Selon un spécialiste des brevets, sa délivrance ne saurait tarder, d'ici à cinq ou six mois, tout au plus. Comme pour BRCA1, toutes les méthodes de diagnostic sont couvertes. Même si l'enjeu économique est moindre (car BRCA2 intervient moins souvent que BRCA1 dans le cancer du sein), le problème de fond reste le même : comment accepter qu'un gène d'intérêt médical fasse l'objet d'une exclusivité commerciale ?
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