Affaire Lerat : le médecin de montagne repasse devant ses juges

Publié le 29/09/2003
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Le Dr Sophie Lerat arrive au siège parisien du Conseil national de l'Ordre des médecins mardi 23 septembre, accompagnée d'une bonne douzaine de confrères, tous membres comme elle de l'Association des médecins de montagne.

Elle vient assister à l'audience d'appel de la section des assurances sociales du CNOM, juridiction qui l'avait condamnée, en novembre 2002, à trois mois d'interdiction d'exercice dont un mois ferme, pour erreurs de cotation. A l'époque, l'affaire avait fait grand bruit et avait provoqué un bras de fer entre l'association et les pouvoirs publics, avec menace de grève à la clé, en pleine saison de ski. Les médecins qui l'accompagnent disent tous la même chose, en substance : « Nous sommes tous des Sophie Lerat », histoire de montrer à la fois leur solidarité et leur détermination. « Il n'y a rien dans ce dossier, se lamente un médecin de l'association, mais Sophie est victime de l'acharnement d'un médecin-conseil aigri. »
L'audience a lieu dans une grande salle sans fenêtre, au sous-sol de l'institution. La juridiction est composée d'un juge professionnel, de deux conseillers nationaux et de deux médecins-conseil. Elle est abritée par le CNOM, mais est indépendante.

Nomenclature obsolète

Le juge professionnel lit l'exposé des motifs, d'où il ressort que le Dr Lerat a surcoté certains actes pour un montant total de 299,02 euros durant le mois de février 2002. Des actes cotés KC 5 avaient été cotés en KC 10, tandis que des Z 15 étaient côtés Z 17, et des plaintes sont arrivées en conséquence des caisses primaires.
Pendant cet exposé des faits, qui dure une bonne demi-heure, des soupirs fusent parfois des bancs de l'assistance, exclusivement composée de confrères : « N'importe quoi, c'est pas vrai ! », mais le Dr Laporte, vice-président de l'association, les calme aussi vite. L'avocat de Sophie Lerat, Me Lorach, prend la parole et donne sa version des faits. Pour lui, l'action des médecins de montagne permet d'éviter de très nombreuses hospitalisations et fait économiser des sommes importantes à l'assurance-maladie. Mais, sur le fond, il se fait plus direct : « La nomenclature appliquée aux actes que doit accomplir tous les jours un médecin de montagne est incomplète, obsolète et source de conflit permanent. Même la CNAM, à l'époque, l'a reconnu. La meilleure preuve en est que, alertées par le bruit de l'affaire, les autorités s'en sont émues ; des négociations ont eu lieu à l'échelon supérieur, et la nomenclature a été modifiée. »
Selon Me Lorach, « les cotations reprochées au Dr Lerat sont inférieures à ce que prévoit la nouvelle nomenclature ». Et de plaider que, en droit pénal, il est constant qu'une loi plus douce que la précédente ait un effet rétroactif. Mais Jean-Paul Lorach n'a pas fini avec cette affaire : «  Il y a une dichotomie entre l'attitude des directions des caisses et celle des médecins-conseil ; un certain nombre de caisses ont abandonné l'action contre le Dr Lerat. Seul le médecin-conseil chef de Grenoble la poursuit. » Et Me Lorach s'en prend nommément à ce médecin-conseil chef de la caisse de Grenoble, le Dr Siau, à qui il reproche son « acharnement » ; les témoignages de patients du Dr Lerat qu'il a recueillis à charge comporteraient un certain nombre de bizarreries : telle plaie du genou gauche est devenue une plaie à l'avant-bras, et de plus, plusieurs témoignages sont de la même écriture. Pour l'avocat, c'est clair, ces témoins ont été « influencés par le médecin-conseil qui a rempli le dossier lui-même et leur a demandé de signer ». Et Me Lorach conclut par un vibrant : « Les médecins-conseil ne sont pas au-dessus des lois et ne sont pas des supermen de la médecine. »
Mais le médecin-conseil Siau ne se laisse pas démonter et ne prend que brièvement la parole : « Le Dr Lerat n'a pas appliqué la réglementation en vigueur au moment des faits. » De plus, toujours selon lui, Sophie Lerat exerce en secteur II. Elle disposait donc de moyens légaux pour augmenter ses honoraires. Enfin, il note que le retrait des plaintes de certaines caisses est dû au fait que le Dr Lerat a remboursé le trop perçu. Une affirmation qui fait bondir Sophie Lerat : « Le retrait de la plainte de Grenoble, par exemple, est antérieur au remboursement du trop perçu, qui a été fait sans mon accord, prélevé sur mes tiers payants en accident du travail. » Elle pleure. Le jugement est mis en délibéré ; la décision sera rendue d'ici à un mois, c'est-à-dire vers la fin octobre.

Henri de SAINT ROMAN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7393