LES ASSOCIATIONS de malades en avaient déjà fait le constat un an après son entrée en vigueur : «AERAS, ça assure moyen», avait conclu le CISS (Collectif interassociatif sur la santé), après une enquête réalisée entre juin et septembre 2007 auprès de 98 personnes. Elle révélait notamment un nombre important de refus (58,6 %), signalés par les appelants de Sida Info Droit interrogés, et soulignait le fort sentiment des bénéficiaires d'un système qui ne permet pas d'être assuré «comme tout le monde».
L'enquête réalisée par l'UFC-« Que choisir » en novembre 2007 auprès de 623 agences appartenant à 9 grands groupes bancaires et 50 personnes considérées à risque aggravé de santé aboutit aux mêmes conclusions. «Les résultats de notre enquête sont très décevants: si le texte de la convention va beaucoup plus loin que les conventions précédentes, les engagements pris sont théoriques», affirme l'UFC-« Que choisir ».
Des banques n'informent pas.
Le premier volet de l'enquête a consisté à vérifier si les engagements pris par les banques en matière de diffusion de l'information étaient effectivement mis en pratique. Pour ce faire, des enquêteurs se sont présentés aux agences pour le compte d'un neveu imaginaire afin d'obtenir une simulation de prêt immobilier. Sauf en matière de simulation de prêt (la convention AERAS est mentionnée dans 80 % des cas), l'information n'est pas assurée. Les conseillers eux-mêmes la connaissent mal : dans moins de 4 % des cas seulement, ils ont remis des documents sur la convention ; l'information en accès libre est très peu accessible (dans 524 agences, soit 87 % d'entre elles, aucune information de quelque nature que ce soit n'était disponible).
Lors du deuxième volet de l'enquête, l'UFC-« Que choisir » a suivi entre novembre 2007 et janvier 2008 cinquante dossiers de demandes de prêts de personnes volontaires concernées par la convention AERAS. «Toutes les personnes interrogées ont éprouvé de réelles difficultés pour trouver une assurance», souligne l'Union des consommateurs.
L'enquête révèle que les personnes concernées connaissent mal la convention ou interprètent mal l'information qu'elles ont reçue par le biais d'une émission de télévision ou d'un article de presse : «Cette information est interprétée par beaucoup comme une garantie absolue à l'obtention du prêt demandé.» Une telle méconnaissance, partagée par les demandeurs et les chargés de clientèle, conduit souvent au non-respect de la confidentialité. La majorité des personnes de l'enquête ont informé leur interlocuteur de leur situation de santé, une démarche qui leur paraissait naturelle. Or, selon le texte de la convention AERAS, «le chargé de clientèle devrait immédiatement couper court aux révélations sur l'état de santé et informer son client de l'existence de la convention», précise l'UFC-« Que choisir ». Le volet santé devrait être strictement réservé à l'assureur et ne devrait pas interférer dans la décision d'accorder ou non le prêt. Celle-ci est prise en fonction du questionnaire de santé rempli (avec ou non l'aide du conseiller) et envoyé sous pli confidentiel au médecin-conseil de l'assurance, puis complété par un questionnaire médical beaucoup plus détaillé envoyé au domicile et rempli par le médecin traitant.
Un refus, dans la plupart des cas.
«Dans la plupart des cas, les personnes interrogées se sont vu opposer un refus», souligne l'enquête. Elles ont alors été mises dans l'obligation de trouver, par leurs propres moyens, une solution de rechange : délégation d'assurance ou apport de garanties alternatives. Dans quelques cas, l'assureur de la banque a fait une proposition, mais toutes les personnes l'ont refusée en raison d'un coût exorbitant, de deux à cinq fois le tarif normal pour une couverture des risques souvent réduite. Dans la plupart des cas, les décisions des assureurs n'ont fait l'objet d'aucun courrier ni explication, contrairement à ce que stipule le texte de la convention. «C'est le chargé de clientèle qui a informé oralement les personnes du refus de l'assureur», assure l'UFC. Quant à la possibilité, prévue par la convention, de prendre contact avec le médecin-conseil pour connaître les raisons médicales du choix, elle n'a jamais été évoquée.
A l'issue de ce parcours, les personnes qui, souvent, avaient déjà signé un compromis de vente se sont trouvées dans une situation d'urgence, avec la nécessité de trouver une assurance dans les trois mois. Beaucoup ont pu, grâce aux associations de malades, obtenir une réponse positive d'une délégation d'assurance, mais au prix d'une surprime élevée (deux à trois fois plus qu'une personne non à risque), d'une exclusion de garanties (incapacité de travail et/ou invalidité peuvent ne pas être couvertes, ou garanties ne prenant effet que dans les cas de décès ou de perte totale et irréversible d'autonomie). Enfin, le coût psychologique de la recherche d'assurance est lourd et l'épreuve «d'autant plus douloureuse que le temps qui s'est écoulé depuis la guérison est long».
L'UFC-« Que choisir » qualifie «d'échec» lastratégie qui a consisté depuis quinze ans à privilégier la voie conventionnelle pour permettre l'accès à l'assurance à des publics ignorés par les assureurs et les banques . Elleplaide pour une «mutualisation totale» du risque qui obligerait les assureurs à faire entrer dans les contrats de groupes les personnes avec un risque aggravé. Enfin, elle dénonce l'effet pervers du dispositif législatif, qui crée une incitation pour les assureurs à forcer les consommateurs à mentir sur leur état de santé, puis à refuser de couvrir le risque lorsqu'il se révèle, tout en gardant les primes déjà versées. Afin d'éviter un tel effet, l'UFC demande la modification de l'article L.113-8 du code de l'assurance.
Les conventions
3septembre 1991: première tentative de convention, qui ne concerne que les personnes séropositives. Pendant dix ans, seulement une cinquantaine de dossiers sont traités.
13septembre 2001: convention Belorgey élargie à toutes les pathologies. En 2004, 9 000 personnes ont vu leur dossier refusé.
Loi du 11février 2005 pour l'égalité des droits : les personnes handicapées peuvent bénéficier des engagements pris dans le cadre de cette nouvelle convention.
6janvier 2007: entrée en vigueur de la convention AERAS. Elle est censée concerner entre 10 et 12 millions de personnes.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature