L'ÉTUDE ADVANCE, dont on a largement parlé en cardiologie, a porté sur 11 140 diabétiques de type 2, avec un double objectif : abaisser les chiffres de la pression artérielle en associant un IEC (périndopril) à un diurétique (indapamide) ; effectuer un contrôle intensif de la glycémie (HbA1c < 6,5 %) à l'aide d'une prise en charge à base de gliclazide (MR). L'objectif étant d'analyser les effets de cette double intervention sur la fréquence des complications macro- et microvasculaires du diabète de type 2. Après la mise en évidence des bénéfices d'un bon contrôle tensionnel, il y a un an, ce sont les résultats du contrôle glycémique intensif qui ont été présentés.
Une étude exemplaire.
Le Pr Mac Mahon (Sydney, Australie) a insisté sur le caractère exemplaire de cette étude, sponsorisée par l'équivalent australien de l'INSERM (NHMRC) et par le groupe Servier, mais réalisée par des investigateurs totalement indépendants, sans aucun droit de regard des sponsors. En outre, les 11 140 patients ont été recrutés par 200 centres répartis dans 20 pays couvrant l'Amérique du Nord, l'Europe, l'Asie et l'Australie, ce qui lui confère un caractère vraiment international (contrairement aux autres études effectuées soit exclusivement en Amérique du Nord, soit au Royaume-Uni, la célèbre UKPDS). Enfin, le suivi a été particulièrement bon, avec 87 % des patients du groupe intensif (4 828/5 571) et 85 % du groupe témoin (4 741/5 569) qui ont terminé l'essai.
Les patients, majoritairement des hommes (57 %), avaient en moyenne 66 ans et leur diabète était diagnostiqué depuis huit ans ; 32 % présentaient des antécédents macrovasculaires, et un peu plus de 10 %, des antécédents microvasculaires. Le taux moyen d'HbA1c était de 7,5 %, la pression artérielle à 145/80 mmHg et le BMI à 28 kg/m2, ces caractéristiques étant totalement semblables dans les deux bras de l'essai.
Une approche pragmatique et progressive.
Mais, insiste le Pr Chalmers (Sydney, Australie), le plus déterminant a été sans doute le choix d'une démarche pragmatique de contrôle intensif, comportant des visites plus fréquentes, une éducation hygiéno-diététique et une escalade thérapeutique laissée à l'appréciation des cliniciens, à partir du moment où la dose maximale de gliclazide MR était atteinte (introduction d'autres antidiabétiques oraux, puis de l'insuline).
Cela explique sans doute pourquoi le taux minimal d'HbA1c n'a été atteint qu'à la troisième année, avec, au terme de cinq ans de suivi, un taux de 6,5 %, contre 7,3 % dans le groupe témoin (delta = 0,67 % ; IC 95 %, 0,64-0,70, p < 0,001). Dans le groupe d'intervention, 65 % des patients étaient en deçà de 6,5 % ( versus 20,4 %) et 21,3 % en deçà de 6 % ( versus 6 %).
La pression artérielle était un peu basse dans le groupe intensif (– 1,6 mmHg, p < 0,001) et le poids, un peu plus élevé (p < 0,001).
À noter, enfin, que le recours aux glitazones est resté faible dans les deux groupes (17 % dans le groupe intensif versus 11 %) et que l'utilisation d'insuline n'a concerné qu'une minorité de patients (40,5 % versus 24,1 %).
Des résultats positifs, en particulier sur le plan rénal.
Au terme du suivi, 2 125 patients ont présenté des événements macro- ou microvasculaires majeurs : 18,1 % dans le groupe intensif versus 20 % dans le groupe témoin. Une réduction significative de ce qui représentait le critère de jugement principal (HR = 0,90 ; IC 95 % ; 0,82-0,98 ; p = 0,01). Autrement dit, le traitement intensif a permis de prévenir un événement sur cinq ans pour 52 patients traités.
Le bénéfice est tout à fait évident pour les événements microvasculaires majeurs (HR = 0,86 ; IC 95 % ; 0,77-0,97 ; p = 0,01), mais il n'est pas significatif pour les événements macrovasculaires majeurs (HR = 0,94 ; IC 95 % ; 0,84-1,06 ; p = 0,32). Ce point a été particulièrement débattu en raison des résultats décevants d'ACCORD (voir encadré) ; cependant, le Pr Chalmers souligne qu'ADVANCE exclut tout effet délétère sur le plan macrovasculaire du traitement intensif et que même les observations effectuées après cinq ans de suivi suggèrent un effet positif tardif, comme celui qui avait été observé dans l'étude STENO 2 (à partir de huit ans de suivi, en augmentant jusqu'à seize ans). «Malheureusement, déplore le Pr Chalmers, ADVANCE n'était pas conçue pour durer si longtemps. »
Le résultat le plus marquant est cependant la réduction de 21 % du risque d'apparition ou d'aggravation de néphropathie (HR = 0,79 ; IC 95 % ; 0,66-0,93 ; p = 0,006) et du risque d'apparition de microalbuminurie (HR = 0,91 ; IC 95 % ; 0,85-0,98 ; p = 0,02).
Des hypoglycémies plus fréquentes, mais pas de conséquences graves.
Comme on pouvait s'y attendre, le contrôle intensif majore le risque d'hypoglycémie, mais l'incidence des hypoglycémies sévères reste faible, note le Dr A. A. Patel (Sydney) : 0,7/100 patients/an versus 0,4 dans le groupe témoin. De plus, on n'enregistre pas d'épisode fatal et un seul cas donnant des séquelles dans chaque groupe.
Enfin, la mortalité globale est équivalente dans les deux groupes : 8,9 % dans le groupe intensif, contre 9,6 % dans le groupe témoin (p = 0,28). Des chiffres qui méritent d'être soulignés, quand on sait que c'est une surmortalité globale qui a provoqué l'arrêt prématuré de l'essai ACCORD (voir encadré).
En conclusion, le Pr Chalmers a tenu à souligner que l'étude ADVANCE valide un contrôle intensif de la glycémie, avec un objectif d'HbA1c < 6,5 %. «On sait que cette stratégie est payante, en particulier sur la protection rénale, et cela sans effet délétère. Cela ne devrait pas faire oublier que la prévention des complications vasculaires du diabète exige une approche multifactorielle.»
La déception « ACCORD » : intensif ou agressif ?
Ce n'est pas un hasard si les responsables de l'ADA ont désiré présenter les résultats d'ADVANCE, en même temps qu'étaient analysées les raisons de l'arrêt prématuré de l'essai ACCORD réalisé en Amérique du Nord et sponsorisé par le NIH. Cet essai portant sur 10 251 patients avait également pour objectif d'évaluer les effets d'un contrôle intensif de la glycémie. La mise en évidence d'une surmortalité globale dans le groupe d'intervention (p = 0,04) a conduit à l'arrêt prématuré de cet essai. L'analyse des causes multiples pouvant expliquer cette surmortalité, en particulier cardio-vasculaire, est complexe et aucune réponse définitive n'a été apportée à San Francisco.
La différence avec ADVANCE ne semble pas s'expliquer par les caractéristiques des populations étudiées, au début ou à la fin de l'essai (même si les prises de poids importantes sont fréquentes – 28 % – dans ACCORD).
Tout de même, on remarque que, contrairement à la stratégie adoptée PAR ADVANCE, la prise en charge intensive a été agressive : en quatre mois, le taux d'HbA1c passe de 8,1 à 6,7 % pour atteindre 6,4 % à un an. Cela passait par des associations très précoces et nombreuses, avec une utilisation très fréquente de l'insuline (77 % contre 40 % à la fin de l'étude ADVANCE), celle-ci étant souvent associée aux glitazones, ce qui n'est pas recommandé dans de nombreux pays.
N'y a-t-il pas une différence entre contrôle intensif et contrôle agressif ?
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