Le risque de récurrence des adénomes coliques semble minimisé chez les individus porteurs, à l'état homozygote, d'un allèle particulier du gène codant pour l'ornithine décarboxylase (ODC). Cet allèle a la caractéristique d'être faiblement exprimé par rapport à celui qui est le plus fréquemment retrouvé dans la population humaine.
Cette découverte suggère que l'utilisation d'inhibiteurs de l'ODC pourrait constituer une stratégie efficace pour la prévention des cancers coliques.
L'ornithine décarboxylase participe à la synthèse des polyamines. Il a été montré que le niveau d'expression du gène ODC est anormalement élevé chez les individus génétiquement prédisposés aux polyposes adénomateuses et en cas de néoplasie colique. Diverses observations ont suggéré qu'une synthèse importante de polyamine était impliquée dans le développement des cancers intestinaux.
La transcription d'ODC est activée par l'oncogène c-myc et inhibée par Mad1, deux protéines elle-mêmes contrôlées par APC. Un site polymorphe a été identifié dans le gène ODC. Il est situé entre deux domaines sur lesquels se fixe c-myc. In vitro, ce polymorphisme affecte le niveau de transcription d'ODC. Cependant, aucune donnée concernant l'effet du polymorphisme in vivo n'était jusqu'à présent disponible.
Martinez et coll. (université d'Arizona, Tucson) ont recherché l'existence d'un lien entre le polymorphisme ODC et le risque de récurrence des adénomes coliques dans une cohorte de sujets ayant participé à une étude sur la prévention des cancers coliques.
Les données concernant près de 700 individus ont été analysées par les chercheurs. Dans cette cohorte, 56 % des sujets étaient homozygotes pour l'allèle G du gène ODC, 6 % homozygotes pour l'allèle A et 38 % hétérozygotes GA.
Chez les individus homozygotes G et hétérozygotes GA, les chercheurs ont observé un risque identique de récurrence des adénomes coliques, proche de 50 %. En revanche, ce risque est divisé par deux chez les individus homozygotes A.
Afin de comprendre le mécanisme par lequel le polymorphisme du gène ODC protège les cellules coliques de la transformation adénomateuse, Martinez et coll. ont ensuite réalisé une série d'expériences in vitro, dans des cellules en culture. Ils ont observé que le niveau de transcription de l'allèle A d'ODC est plus faible que celui de l'allèle G. En conséquence, la synthèse de polyamine est moins importante dans les cellules des individus A que dans celles des sujets G ou GA. L'allèle A du gène ODC entraîne donc une diminution de la concentration intracellulaire en polyamine. Ce phénomène serait à l'origine de la protection contre la récurrence adénomateuse observée dans la première partie de l'étude.
L'ensemble de ce travail suggère que l'utilisation d'inhibiteurs de l'ODC pourrait participer à la prévention des adénomes coliques, en particulier chez les sujets homozygotes pour l'allèle G du gène ODC ou hétérozygotes GA.
M. E. Martinez et coll., « Proc. Natl. Acad. Sci. U S A », édition en ligne avancée, à paraître sur www.pnas.org.
L'effet de l'aspirine
Martinez et coll. ont évalué l'influence de l'aspirine sur la récurrence des adénomes, en fonction du génotype ODC des sujets.
Dans la cohorte étudiée, 30 % des participants avaient régulièrement consommé de l'aspirine dans les dix années précédentes. Le risque de récurrence des tumeurs était réduit d'environ un tiers dans ce groupe de sujets.
De plus, les chercheurs ont constaté que les effets du génotype et de l'aspirine sont cumulatifs. Chez les individus homozygotes pour l'allèle A d' ODC qui prennent de l'aspirine, le risque de récurrence des adénomes coliques est divisé par dix par rapport à celui observé chez les sujets G ou GA ne consommant pas d'aspirine.
Comme l'allèle A d' ODC, l'aspirine conduit à une diminution de la concentration intracellulaire de polyamine. Cependant, ce médicament agit par une voie distincte : il induit l'expression d'une enzyme, SSAT, qui participe au catabolisme et à l'export des polyamines.
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