L'ouverture d'un deuxième centre d'addictologie (CA) de l'AP-HP, situé à l'hôpital Paul-Brousse de Villejuif, dans le Val-de-Marne, constitue une réponse globale et nouvelle en matière de prise en charge de tous les types de patients qui ont des conduites addictives. Avec le centre de traitement des addictions de Limeil-Brévannes, dans le même département, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris espère mieux repérer, dès l'année prochaine, les personnes présentant une conduite addictive parmi les usagers de l'hôpital et mieux accueillir celles qui lui sont adressées ou viennent spontanément à elle.
@ Le Centre d'addictologie
de Paul-Brousse à Villejuif
Le centre d'addictologie (CA) de Paul-Brousse, créé en décembre 2001 par le département de psychiatrie universitaire du Pr Michel Reynaud et par le département de médecine interne du Pr Alain Boissonnas, propose des consultations pour les problèmes liés à la consommation d'alcool, de tabac, de produits illicites, et pour les troubles des conduites alimentaires. L'année dernière, il en a réalisé 5 062. Depuis 2002, le cannabis fait l'objet d'une consultation spécifique, avec notamment des mercredis après-midi « Adolescent et cannabis ». Les protocoles de soins sont individualisés, allant du simple conseil à une intervention thérapeutique brève appuyée sur une approche cognitivo-comportementale. Face à une dépendance cannabique, un accompagnement médicamenteux est possible en présence de signes de sevrage tels que l'anxiété ou les troubles du sommeil, ou encore en cas de morbidité psychiatrique, comme la dépression. En 1999, sur l'ensemble du territoire, la part des prises en charge pour toxicomanie relative au cannabis était de 15,5 %, contre 12,7 % deux ans auparavant (Observatoire français des drogues et des toxicomanies).
Le CA, c'est aussi un hôpital de jour. Il permet le suivi des soins à la sortie de l'unité d'hospitalisation (12 lits), le sevrage ambulatoire et l'aide à la réinsertion sociale de patients fragiles. L'année dernière, un millier de contacts ont eu lieu. Psychiatres, internistes, ORL, généralistes, psychologues, kiné-réflexologue, assistante sociale, diététiciens, infirmiers et aides-soignants constituent l'équipe pluridisciplinaire et spécialisée du Centre. Enfin, le CA de Paul-Brousse forme le personnel médical et paramédical à l'accueil des patients et de leur famille et à l'évaluation de leurs dépendances et des stratégies thérapeutiques.
@ Le centre de traitement
des addictions
de Limeil-Brévannes
A Limeil-Brévannes, le site hospitalier est doté d'un centre de traitement des addictions (CTA) depuis 1999. Placé sous la responsabilité du Dr Henri-Jean Aubin, psychiatre, il reprend les consultations d'alcoologie (1989) et de tabacologie (1991) déjà existantes, et est ouvert, par ailleurs, aux personnes dépendantes aux produits illicites ou aux médicaments. Il comprend 24 lits d'hospitalisation et un hôpital de jour de 8 places. L'ensemble fonctionne avec 4 médecins à temps plein, dont 2 psychiatres, 8 à temps partiel (1 hépato-gastro-entérologue, 7 généralistes) qui assurent de 1 à 8 vacations hebdomadaires, et 31 équivalents temps plein non médicaux, parmi lesquels 3 psychologues, 3 ergothérapeutes, 2 assistantes sociales, diététicienne à mi-temps, 2 animateurs, des infirmiers, des aides-soignants et des agents hôteliers.
L'originalité du CTA est d'offrir 3 programmes : l'un s'adapte de façon décloisonnée à l'ensemble des substances ; l'autre répond « à la carte » aux besoins individuels de chaque patient ; et le troisième concerne la thérapie cognitivo-comportementale (28 séances de 2 heures chacune, réparties en 3 modules : « Eviter les pièges de la rechutes », « Entraînement aux compétences sociales » et « Gestion des émotions négatives »).
En 2002, le CTA a effectué 6 000 consultations, pour une file active de 1 300 personnes, dont les deux tiers sont des hommes, de situation sociale précaire (beaucoup relèvent de la couverture maladie universelle), et d'un âge moyen de 41 ans. Un tiers viennent consulter spontanément, un tiers à la demande d'un médecin de ville et un tiers sont envoyés par des partenaires institutionnels. Plus de 90 % viennent pour l'alcool, 5 % pour un sevrage tabagique, 5 % pour une dépendance aux médicaments et 20 % pour des problèmes avec des drogues illicites (dans l'ordre : opiacés, cocaïne, cannabis et ecstasy). A quoi il faut ajouter 350 hospitalisations annuelles, tandis que l'hôpital de jour est fréquenté quotidiennement par 12 patients. Selon un suivi réalisé en 1998 auprès de 338 sujets alcoolo-dépendants, toxicomanes pour la plupart, un an après, 53 % ont rechuté, 35 % ont eu une rémission complète (plus aucun symptôme) et 12 % une rémission partielle (sujets au-dessous du niveau de dépendance).
D'ici à la fin de l'année, la consultation de tabacologie du Pr Gilbert Lagrue, de l'hôpital Albert-Chenevier à Créteil (Val-de-Marne), deviendra une unité fonctionnelle du CTA, avant que celui-ci s'installe à Albert-Chenevier en 2006.
La prise en charge des patients en difficulté avec l'alcool et le tabac ou des usagers de drogues à l'AP-HP fait appel à un réseau de soins comprenant les généralistes, les centres de cure et de postcure et les services hospitaliers et les consultations spécialisées hospitalières. Ainsi, 15 hôpitaux de l'AP-HP ont une équipe d'alcoologie (24 lits de sevrage à Fernand-Widal), deux abritent un centre de cure ambulatoire d'alcoologie, quatre gèrent des centres spécialisés de soins aux toxicomanes, onze comptent une équipe de coordination et d'intervention auprès des malades usagers de drogue, et huit disposent d'une unité de coordination tabacologique.
Quelques données chiffrées
Alcool : 52 000 décès annuels. Plus de 3 millions de Français sont des consommateurs à risque, 24 % des salariés boivent au travail, 1 adolescent sur 5 s'enivre au moins 4 fois par an. En outre, 30 % des hommes et 10 % des femmes hospitalisés en médecine ou en chirurgie ont une consommation « nocive », le plus souvent non dépistée et non prise en compte.
Tabac : 60 000 décès annuels. 25 % des femmes et 23 % des hommes fument. A 19 ans, on compte 51 % de fumeurs.
Cannabis : 50 % des jeunes l'ont expérimenté, 20 % sont des usagers réguliers et 5 % sont dépendants.
Autres substances illicites : de 150 000 à 200 000 usagers. Un toxicomane qui ne reçoit pas de médicament de substitution a une mortalité de 20 à 60 fois plus élevée qu'un abstinent. La morbidité est liée à l'usage intraveineux des opiacés : de 15 à 20 % des usagers sont séropositifs vis-à-vis du VIH, et de 50 à 90 % vis-à-vis du VHC.
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