Un entretien avec le Pr Gérard Socié
La moelle reste la source de référence pour la réalisation de greffes allogéniques, mais deux autres sources sont actuellement de plus en plus utilisées : les cellules souches périphériques (CSP) mobilisées par facteur de croissance et les cellules du sang placentaire ou du sang du cordon ombilical (CO). Des essais randomisés ont comparé l'efficacité et les complications des greffes HLA-identiques avec un donneur de la fratrie avec ces différentes sources de cellules. Par rapport aux cellules souches médullaires, les CSP n'apportent pas de bénéfice en terme de survie, mais elles réduisent la durée de l'aplasie, car elles sont déjà, pour certaines, engagées dans les processus de différenciation. En revanche, si elles n'exposent pas à un risque accru de réactions du greffon contre l'hôte, GvH (Graft versus Host) aiguës, elles sont responsables d'un plus grand nombre de GvH chroniques.
En ce qui concerne les greffes de cellules de sang du cordon HLA-identiques, elles diminuent de façon très significative les GvH aiguës avec une survie comparable à celle obtenue avec des greffes de cellules d'origine médullaire. Leur utilisation est à ce jour avant tout limitée à l'enfant. Des essais d'expansion des cellules souches du sang du cordon pourraient permettre d'élargir leurs indications, notamment chez les patients adultes chez qui les problèmes de non-prise du greffon restent importants.
Dans deux tiers des cas, il n'y a pas de donneur HLA-identique dans la fratrie. Deux options s'offrent alors : la greffe haploidentique incompatible, c'est-à-dire avec des cellules souches de l'un des parents, ou une transplantation avec des cellules d'un donneur non apparenté. La première solution nécessite une déplétion en lymphocytes T. Elle est surtout utilisée chez les enfants atteints de déficit immunitaire. Des résultats intéressants ont aussi été obtenus dans certaines formes de leucémie aiguë myéloblastique, mais au prix d'un déficit immunitaire prolongé.
Les progrès du typage moléculaire
La deuxième solution, qui fait appel à un donneur non apparenté, a bénéficié de l'amélioration des techniques de typage moléculaire, si bien que ces greffes sont de moins en moins incompatibles. Cinq gènes, A, B, C, DrB1, DQB1, et donc dix allèles peuvent être identifiés. En augmentant la compatibilité entre donneur et receveur, on améliore les résultats, mais on ne sait pas si le bénéfice est directement proportionnel au degré de compatibilité, ; autrement dit, faut-il absolument essayer d'avoir une similitude totale des dix allèles entre le donneur et le receveur ?
Pour réaliser ces greffes avec donneur non apparenté, on utilise actuellement, en France, uniquement des cellules souches d'origine médullaire. Aux Etats-Unis et en Allemagne, les CSP sont autorisées, alternative qui n'est pas permise dans notre pays, car elle nécessite l'administration de facteurs de croissance chez le donneur, donc chez un sujet sain. Aucun essai randomisé n'a d'ailleurs, pour le moment, comparé les résultats entre CSP et cellules médullaires.
La greffe de cellules du sang du cordon non apparenté constitue une nouvelle possibilité ; elle donne des résultats très favorables, même avec une certaine incompatibilité, et présente l'avantage de réduire le délai d'attente. Elle est surtout utilisée chez l'enfant.
Si le nombre de greffes a beaucoup diminué dans le cadre des leucémies myéloïdes chroniques depuis la mise sur le marché de l'imatinib (Glivec), il a augmenté dans d'autres pathologies, notamment les myélodysplasies et les lymphomes de haut ou de bas grade en échec thérapeutique ou en rechute.
La voie des « minigreffes »
La grande nouveauté est la mise au point de ce que l'on appelle de façon impropre des minigreffes : il s'agit en fait de greffes allogéniques avec des conditionnements très immunosupresseurs, mais peu myélotoxiques. La fludarabine est au centre de ces protocoles, elle permet de réduire l'irradiation corporelle, de 12 grays pour les greffes classiques à environ 2 grays pour ces minigreffes. L'avantage est de pouvoir élargir les indications des greffes de cellules souches, notamment chez les sujets âgés. Jusqu'à présent limitées à 50 ans environ, elles peuvent être proposées à des patients de plus de 60 ans, à condition qu'ils soient en bon état général. Il s'agit d'un changement radical, car certaines pathologies, comme la leucémie aiguë myéloblastique, les lymphomes ou les myélodysplasies, touchent avec prédilection les sujets âgés.
La tendance actuelle est de proposer une chimiothérapie, suivie d'une intensification avec autogreffe, puis une minigreffe allogénique dont l'efficacité tient surtout à son action immunologique. Ces minigreffes, qui sont bien tolérées en phase aiguë, posent néanmoins le problème des GvH retardées et exposent les patients à des complications infectieuses.
Avant d'envisager leur extension, des essais randomisés versus greffes conventionnelles devront être réalisés pathologie par pathologie.
Centre hospitalier universitaire Saint-Louis, Paris.
Pour en savoir plus, voir le dossier « Greffe de moelle allogénique » dans la revue « le Courrier de la transplantation », volume II, n°3 (juillet-août-septembre 2002.)
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