THEATRE
PAR ARMELLE HELIOT
C'est toujours la même chose. Juste au moment où il ne le faudrait pas, survient un événement dont le héros ne peut se sortir qu'en mentant, qu'en compliquant sans fin les mensonges, qu'en imaginant une nouvelle histoire. Ici, et c'est la qualité spécifique de cette comédie, le mensonge précède le lever du rideau et tous les personnages, presque tous, inventent, au fur et à mesure, tandis que les autres protagonistes reprennent les informations (fausses) dont ils disposent : l'écheveau est immédiatement inextricable et, dans la salle, le public hocquète de rire deux heures durant.
C'est l'un des bonheurs les plus rares au théâtre, aujourd'hui. Ce partage, tous publics et tous âges confondus, dans le rire. Un bon rire, bienfaisant, qui ne s'appuie sur aucune vulgarité, mais sur la folie de situations invivables pour les personnages qui s'accumulent en cascades cauchemardesques et drôlatiques.
Comme toujours à la Michodière, tout est soigné : une adaptation efficace de Stewart Vaughan (pour le non sense à l'anglo-saxonne) et Jean-Christophe Barc (pour la touche française, on suppose), un décor efficace de Stéfanie Jarre et une distribution non seulement solide, mais fine. Chacun ici endosse la folie du personnage et mérite mention mais on louera particulièrement au passage Baptiste Roussillon en brigadier entreprenant, Jean-Baptiste Marcenac en infirmier amateur de déguisement, Clair, belle nature cocasse et fine dans des situations acrobatiques et le jeune Guillaume Romain, révélation de cette soirée au cours de laquelle on retrouve avec plaisir des acteurs que l'on connaît très bien pour certains : Elisa Servier, Marie-Christine Adam, Jean-Claude Arnaud, Jacques Pater, Nicole Gueden et la jeune Manault Deva.
Mais le supplément de cette soirée, c'est le face à face de deux acteurs capables de hisser les personnages rapidement dessinés par Ray Cooney, à la hauteur des grands clowns, des bouffons tragiques et irrésistibles du grand répertoire. Dans le rôle de l'ami qui endossera tout, Stéphane Hillel est remarquable qui laisse sourdre l'angoisse, l'accablement, la panique qui s'emparent de celui qui n'est pour rien dans toute cette affaire, mais doit tout en subir. Avec quelque chose d'impassible, une flamme affolée dans l'oeil, il fait merveille et les scènes avec l'immense Roland Giraud sont des sommets du jeu théâtral. Immense, Roland Giraud, oui, et ce n'est pas la première fois qu'on le dit. Ce comédien est de cette essence particulière qui arrache le personnage à toute convention et qui d'un regard, d'un imperceptible battement de cil, d'une mimique fugitive, d'un geste, d'une intonation, vous fait croire à l'invraisemblable. Roland Giraud est un acteur déraisonnable. Quel grand art ! Et quel formidable investissement de chacun, ici.
On ajoutera, mais c'est un détail, que tout cela est censé se dérouler à l'hôpital Necker, qui a aimablement accepté de prêter son nom à ce spectacle de salubrité publique. Le rire est médecin, on le sait : les clowns vont à l'hôpital s'occuper des enfants. Ici, le corps médical est burlesque. Mais c'est pour de rire.
Théâtre de La Michodière, à 20 h 30 du mardi au samedi, en matinée le samedi à 17 heures et le dimanche à 15 heures. Durée : 2 h 30 (entracte et applaudissements compris). A noter : un très bon programme et la publication de la pièce dans « L'Avant-Scène » (01.47.42.95.22.).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature