Comme le souligne le Dr Jacques Trévidic, président du SPHP (Syndicats des patriciens des hôpitaux publics), « on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein ». Trois ans après, alors que la grande loi de Marisol Touraine n’en est qu’à la moitié de son chemin parlementaire, il est difficile, pour les acteurs de l’hôpital public, de livrer un jugement définitif sur l’action de leur ministre au regard de sa volonté affichée en 2012. Exprimé en pleine action, le jugement est nécessairement subjectif. Néanmoins, pour tout dire, plus nombreux sont ceux qui voient le verre à moitié vide que le contraire.
Toutefois, pour Philippe Domy, directeur du CHRU de Montpellier et président de la Conférence des directeurs généraux de centres hospitaliers régionaux et universitaires, « Marisol Touraine est fidèle à l’action qu’elle a présentée lors de sa prise de fonction », même si le contexte économique et financier s’est durci depuis. De son côté, le Dr Jacques Trévidic, reconnaît qu’« incontestablement, l’hôpital public n’avait pas vécu cette politique de dialogue depuis fort longtemps ». Un dialogue qu’il met sans hésiter au crédit de la ministre.
Une méthode trop politique
Sauf que tout comme la confiance ne se décrète pas, se réunir ne suffit pas à réformer. Pour Jean-Michel Badet, ORL au CHU de Besançon et président du SNPH-CHU? (Syndicat national des PH de CHU), « l’heure est d’avantage à la vigilance et à l’alerte : nous demandons au ministère d’appuyer sur l’accélérateur et d’avancer sur les évolutions du système de santé ».
Même sentiment du côté de Rachel Bocher, psychiatre au CHU de Nantes, chef de service et présidente de l’Intersyndicat des praticiens hospitaliers de France (INPH) qui juge qu’« il y a eu beaucoup de retard à l’allumage » et que « cela a terni nos relations ». Mais elle dénonce surtout la méthode utilisée : « Cette façon d’avancer puis de reculer nous a humiliés. Nous avons eu l’impression d’être malmenés. » Elle reproche à Marisol Touraine de traiter ses dossiers de manière très politique, alors que la santé demande une approche technique. Pourtant, regrette-t-elle, « nous avons voulu cette loi ! Mais nous la voulions plus tôt, plus incisive et plus enthousiaste ».
Des réunions mais pas assez d’écoute
Du côté des salariés et des internes, le verdict est encore plus sévère. « Nous avons le sentiment d’être sollicités pour des concertations. Mais le dialogue, ce n’est pas que des réunions ! », s’impatiente Mireille Stivala, secrétaire générale de la Fédération CGT Santé Action sociale. Et si elle a conscience « de ne pas pouvoir être entendue sur tout », elle a tout de même le « sentiment de ne pas être entendue du tout ». « Peu de nos propositions ont été reprises », déplore-t-elle. Une situation qui génère « une grande déception » d’autant que « le discours de Marisol Touraine allait dans le sens du renforcement de l’hôpital public. Or, aujourd’hui, nous avons le sentiment que la ministre est dans la continuité de ce qui a été fait en matière de santé avec la loi HPST qui n’a pas été remise en cause ».
Quant aux internes, ils se disent « inquiets ». Les restrictions budgétaires envisagées y sont pour quelque chose. Mais pas seulement : « Nous avons été très peu et trop tardivement intégrés aux consultations », s’insurge Jérôme Pinot, porte-parole de l’Isni (Intersyndicat national des internes). Or, c’était essentiel pour nous. Il est incompréhensible de ne pas tenir compte des jeunes générations de praticiens ! Comment parler de l’avenir du système de santé sans prendre en compte les avis et les envies des futurs jeunes praticiens ? Nous avons presque dû nous battre pour être entendus et invités aux concertations. »
L’attractivité des carrières en juge de paix
Aujourd’hui, les hospitaliers attendent surtout Marisol Touraine sur le dossier de l’attractivité des carrières médicales à l’hôpital. Des avancées sur ce dossier dépendront en grande partie le jugement définitif sur son action. « L’organisation, c’est important, relève Jean-Michel Badet, du SNPH-CHU, mais il faut des professionnels de valeur aux postes et des moyens associés. Sinon, il n’y aura aucun impact sur la qualité des soins proposés. » Et Jacques Trévidic du SPHP de conclure en forme d’ultimatum : « Il y a encore beaucoup de travail à accomplir et nous espérons que cela va pouvoir aboutir rapidement, car il ne reste qu’environ un an. » Échéances électorales obligent.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature