« Jusqu'ici, les modèles expérimentaux dont nous disposions nous ont permis de découvrir qu'un bruit excessif (traumatisme acoustique) ou un accident microvasculaire pouvaient déclencher des activités anormales et spontanées (sans stimulation sonore) dans le nerf auditif », dit au « Quotidien » le Pr Jean-Luc Puel. « Après un traumatisme sonore, par exemple, une activité anormale de type épileptique était enregistrée, que nous supposions être des acouphènes. »
Il a donc fallu vérifier que ces activités anormales sont bien traduites par le cerveau en « acouphènes ». Le modèle comportemental mis au point n'induit chez l'animal (le rat) ni stress, ni anxiété et consiste à le conditionner à exécuter une tâche en réponse à un son. « Ce nouveau modèle nous permet désormais d'objectiver et de quantifier la présence d'un acouphène. Nous pouvons ainsi mieux tester les molécules capables de les arrêter. »
Les molécules testées sont connues pour réguler l'activité du nerf auditif et agissent en particulier sur la synapse glutaminergique : inhibiteurs des récepteurs NMDA et autres molécules antiglutamate utilisées dans d'autres pathologies neurodégénératives en particulier (« le Quotidien » du 26 janvier 2000). « Elles sont efficaces chez l'animal. Mais l'obstacle majeur à une application chez l'homme réside dans leurs effets secondaires importants lorsqu'elles sont données par voie générale. » Chez l'animal, elles peuvent être appliquées, grâce à un cathéter à demeure, directement au niveau de l'oreille interne.
On peut envisager un cathéter dans un diabolo
« Chez l'homme, on peut envisager de placer le cathéter dans un diabolo, comme celui qui permet d'aérer la chambre tympanique chez l'enfant, et le mettre en contact de la cochlée, en particulier au niveau de la fenêtre ronde perméable à beaucoup de ces molécules. »
Dans ce sens, L'INSERM, en avril, a entrepris une procédure de dépôt de brevet. L'évaluation préclinique chez l'animal devrait déboucher à terme sur des essais cliniques. L'espoir est réel pour les 50 000 à 80 000 patients qui consultent chaque année, même si des questions demeurent : « De quelle fenêtre thérapeutique dispose-t-on après l'apparition d'un acouphène traumatique ? »,« Un seul traitement suffira-t-il ou devra-t-on le répéter ? »,« S'appliquera-t-il à tous les acouphènes, même non traumatiques et à d'autres pathologies comme la maladie de Ménière ? » Les premières applications cliniques sont attendues dans deux ou trois ans.
D'après un entretien avec le Pr Jean-Luc Puel (INSERM, unité 254 dirigée par le Pr Rémy Pujol).
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