LES INJECTIONS intra-articulaires d’acide hyaluronique font partie intégrante du traitement de l’arthrose du genou. Cette indication a été retenue par des conférences de consensus internationales s’appuyant sur la recherche de données scientifiques dans la littérature pour définir une approche thérapeutique fondée sur les niveaux de preuve.
L’acide hyaluronique (AH) est un glycosaminoglycane de haut poids moléculaire. Il est présent dans le genou normal où il est responsable des propriétés viscoélastiques du liquide synovial. Dans le genou arthrosique, sa concentration et son poids moléculaire sont diminués, ce qui peut altérer la protection viscoélastique des surfaces articulaires.
L’acide hyaluronique est synthétisé par les chondrocytes et joue un rôle majeur dans l’architecture de la matrice extracellulaire où il attache les agrécanes pour former d’énormes complexes macromoléculaires dont la fonction essentielle est de permettre au cartilage de résister aux pressions physiques auxquelles il est soumis. En outre, il se lie à de nombreuses cellules par l’intermédiaire de récepteurs transmembranaires spécifiques (récepteurs CD-44) participant ainsi à l’homéostasie du cartilage.
Mécanisme d’action.
Le mécanisme exact par lequel l’acide hyaluronique exerce ses effets cliniques est encore mal connu. Une fois injecté dans l’articulation, il a une demi-vie très courte (de 12 à 17 heures), alors que ses effets cliniques durent plusieurs mois. Ce paradoxe pourrait s’expliquer par un effet sur la matrice extracellulaire et le système immunitaire, et par des propriétés anti-inflammatoires.
Dès lors le concept de viscosupplémentation évolue vers un concept plus complexe de visco-induction. Ainsi, il a été démontré par des études invitro que l’apport exogène d’acide hyaluronique peut augmenter sa production autocrine par les synoviocytes.
Sur les chondrocytes, l’acide hyaluronique exerce des effets anaboliques et peut prévenir la déplétion en protéoglycanes induite par les effets de l’IL1 sur et la production de médiateurs de l’inflammation sous l’action de radicaux libres et de NO .
Dans une étude in vitro sur des chondrocytes arthrosiques, un acide hyaluronique de poids moléculaire compris entre 500 et 750 kDA diminue significativement l’apoptose cellulaire induite par un ligand FAS.
Ces études expérimentales et des études menées invivo sur des modèles animaux suggèrent que l’acide hyaluronique aurait un effet chondroprotecteur qui demande à être confirmé en pratique clinique, souligne le Pr Xavier Chevalier (hôpital Henri-Mondor, Créteil).
Dans la gonarthrose.
Les recommandations de l’Eular stipulent clairement que les injections intra-articulaires d’acide hyaluronique ont leur place en deuxième intention dans le traitement de la gonarthrose. Néanmoins, leur efficacité reste discutée comme le montrent de récentes métaanalyses.
Une revue de la littérature a permis d’identifier 60 études publiées de 1965 à 2005. Trente ont été retenues pour une vaste métaanalyse. Plusieurs acides hyaluroniques ont été utilisés dans ces études, différant par leur origine, leur extraction, leur poids moléculaire, leur concentration, leur mode d’administration (la plupart des études étaient réalisées avec 3 ou 5 injections à une semaine d’intervalle).
Vingt-six essais cliniques ont comparé l’acide hyaluronique à un placebo, la plupart étaient menés en double aveugle. Les résultats ont été négatifs dans 10 essais, positifs dans 16 autres.
La majorité des études a montré une supériorité significative de l’acide hyaluronique par rapport au placebo sur la douleur et la limitation fonctionnelle. L’efficacité débute entre 3 et 6 semaines et se poursuit pendant 6 à 12 mois.
Les résultats des essais cliniques comparant les injections intra-articulaires d’AH aux injections intra-articulaires de corticoïdes sont concordants : les injections intra-articulaires de corticoïdes agissent plus rapidement sur les symptômes (douleur et gêne fonctionnelle), mais cette supériorité ne persiste pas au-delà de la troisième semaine. L’efficacité de l’AH est moins rapide, mais plus durable.
Les essais ayant comparé l’acide hyaluronique aux Ains montrent que le bénéfice de l’AH est à peu près identique à celui des Ains, mais plus durable et avec moins d’effets secondaires.
Enfin, quatre métaanalyses ont été publiées récemment : dans l’une l’efficacité de l’AH a été trouvée modérée, deux sont positives et concluent que l’AH est efficace sur les symptômes, et une n’a pas mis en évidence d’effet symptomatique dans la gonarthrose.
Compte tenu de son rapport bénéfice/risque, le traitement par injections intra-articulaires d’AH a été proposé dans la coxarthrose, ainsi que dans l’arthrose de l’épaule et de la cheville. La plupart des études sur ces nouvelles indications demandent à être interprétées avec prudence, le rythme et le nombre d’injections intra-articulaires variant d’une étude à l’autre.
Pour les autres articulations, il est nécessaire d’entreprendre de larges études randomisées contrôlées contre placebo utilisant des protocoles optimisés (injection guidée par repérage en fluorescence) pour confirmer les résultats prometteurs observées dans des études ouvertes, conclut le Dr Véronique Legre (hôpital de la Conception, Marseille).
D’après un symposium organisé par le Laboratoire Genévrier, présidé par les Prs Jean-Yves Reginster (Liège) et Xavier Chevalier (Créteil).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature