LE PROJET de loi réformant le texte fondateur du 30 juin 1975 sur le handicap a été présenté par la secrétaire d'Etat aux Personnes handicapées et adopté en conseil des ministres. L'ambition de la future loi, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2005 après examen parlementaire, est « de faire franchir à la société française une nouvelle étape en fondant droits et devoirs sur le principe de non-discrimination », selon l'expression du chef de l'Etat. Et, pour la première fois, la notion de handicap psychique est prise en considération.
Compensation selon les ressources.
La grande nouveauté du texte est la création d'une prestation de compensation pour prendre en charge « toutes les dépenses que peut avoir une personne du fait de son handicap ». Elle est indépendante de l'allocation aux adultes handicapés, qui est maintenue. Son montant varie selon les ressources du bénéficiaire et elle est accordée « en fonction des besoins de la personne », appréciés par une équipe pluridisciplinaire (décret). Cette dernière, composée d'un noyau dur réunissant un médecin, un ergothérapeute et une assistante sociale, interviendra dans le cadre de Maisons départementales du handicap (MDH). Regroupant les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel et les commissions départementales d'éducation spécialisée, les MDH, dont le statut juridique reste à préciser (décret), se présentent comme des « guichets uniques d'informations » pour simplifier les démarches administratives.
L'accessibilité - bâtiments, transports, emploi, école - est le dernier grand volet de la loi. Pour les immeubles, les communes de plus de 10 000 habitants devront se doter d'une commission d'accessibilité, tandis que le contrôle des normes à la construction ou lors de la rénovation de locaux recevant du public sera renforcé. En cas de non-respect de l'accessibilité, les sanctions seront étendues aux personnes morales : 45 000 euros, et, pour les récidivistes, 75 000 euros et 6 mois de prison. Les subventions publiques seront subordonnées à la prise en compte de l'accessibilité. Quant aux services de transports collectifs, ils ont 6 ans pour se rendre accessibles, à compter de l'entrée en vigueur de la loi. En cas d'impossibilité technique, comme le métro à Paris, des solutions de rechange devront être mises en place.
Dans le domaine du travail, les réfractaires à l'obligation d'embaucher des handicapés (6 % dans les entreprises de 20 salariés et plus) subiront des amendes qui passent de 500 à 600 Smic horaire par an et par personne. L'Etat, la fonction publique territoriale et les hôpitaux n'atteignant pas les 6 % verseront une taxe à un fonds ad hoc.
En ce qui concerne les 250 000 enfants handicapés, un effort est demandé pour les jeunes scolarisables. Actuellement, 100 000 vont à l'école à temps complet ou partiel et 30 000 autres susceptibles de suivre un enseignement ne bénéficient d'aucun contact avec un enseignant. L'Education nationale est tenue d'inscrire tous les enfants handicapés à l'école de leur quartier ; et, si besoin, ils peuvent être accueillis dans des classes et des établissements adaptés.
Des revendications à satisfaire.
Le texte de Marie-Thérèse Boisseau complète le projet de loi sur la dépendance et l'autonomie, présenté il y a deux semaines, qui a institué une caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (financée par la suppression d'un jour férié), disposant de 850 millions par an d'euros pour les handicapés. Cette somme s'ajoute aux 12 milliards d'euros (6 de l'Etat, 6 de la Sécu) consacrés chaque année au handicap, sans compter la participation des collectivités locales.
A défaut d'une contestation organisée et systématique, le projet de loi sur le handicap entraîne des revendications qui pourraient être prises en compte par voie d'amendements. Le Comité pour le droit au travail des handicapés et l'égalité des droits réclame le « retrait pur et simple » du texte, car « les handicapés et les familles ne veulent pas être tributaires de la charité publique obligatoire organisée par la suppression d'un jour férié », Julia Kristeva, présidente du Conseil national sur le handicap, parle d'un projet « flottant, puisque la plupart des dispositions législatives seront précisées ultérieurement par un hypothétique arsenal de décrets ». L'Association des paralysés de France rappelle que 27 % des mairies, 42,6 % des bureaux de Poste, 69,5 % des cinémas et 71 % des musées municipaux sont inaccessibles, et demande « un droit à compensation intégrale », par exemple pour le financement d'un fauteuil roulant à 1 500 euros, « des ressources permettant de vivre dignement » et « de vrais programmes d'action ». Enfin, le Collectif des démocrates handicapés dénonce « l'absence de la notion de citoyenneté » en matière d'égalité des droits et des chances des personnes handicapées.
Quelques chiffres
Selon les pouvoirs publics, la France compte 850 000 personnes ayant un handicap moteur isolé, 370 000 en fauteuil roulant, 650 000 atteintes d'une déficience intellectuelle ou d'un trouble mental, 700 000 présentant un handicap psychique, 450 000, une déficience auditive sévère ou profonde, et 217 000, une déficience partielle ou totale de la vue, dont 60 000 aveugles.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature