De notre correspondante
Tout au long de la journée, parents et enseignants ont exposé leurs difficultés pour intégrer les enfants handicapés en milieu scolaire ordinaire, étant donné l'insuffisance notoire de structures spécialisées. « Faut-il les mettre à l'hôpital, ou arrêter de travailler pour les garder à la maison ? », demande le père d'un petit trisomique qui s'est heurté à l'hostilité des institutrices de son village. Les enseignants présents dans la salle, souvent eux-mêmes parents d'enfant handicapé, ont fait valoir une absence de formation et de moyens. Une institutrice de Gap qui accueille un jeune tétraplégique déclare qu'elle s'interroge tous les jours sur ce qu'elle peut lui apporter. Les auxiliaires de vie, qui accompagnent les enfants les plus handicapés, sont sans statut, sans formation et en nombre insuffisant.
Des situations qui devraient changer, si l'on en croit les ministres qui se sont succédé à la tribune pour présenter des lendemains qui chantent.
Dans un contexte d'austérité, Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux Personnes handicapées, estime être gâtée, avec un budget en augmentation de 6 % deux années de suite et des perspectives encore plus favorables pour le prochain budget. Lequel devrait permettre d'appliquer la nouvelle loi au programme du Parlement dès la fin de l'année. Sans prétendre rattraper le retard accumulé depuis une vingtaine d'années, elle souligne qu'elle a déjà doublé deux années de suite les places en centres d'aide par le travail, en maisons d'accueil spécialisées et en auxiliaires de vie.
Mais une évolution plus rapide devrait venir de l'intégration dans la société de la plupart des personnes handicapées mentales ( « Il faut vider les hôpitaux psychiatriques ») et, dès maintenant, des enfants handicapés mentaux ou physiques. L'intégration de ces derniers devrait se faire individuellement dans les classes habituelles, avec, si besoin, une auxiliaire de vie, ou collectivement, dans les unités pédagogiques d'intégration (UPI) ouvertes dans certaines écoles avec un enseignant spécialisé, une auxiliaire de vie et un éducateur. Trois cents UPI de plus ont été créées lors de la rentrée, un millier devraient l'être dans les cinq ans. Parallèlement, ces enfants devraient bénéficier d'une prise en charge médico-sociale à domicile. « Cela permettra de libérer des places dans les institutions spécialisées, qui devraient être réservées aux cas les plus lourds », estime Mme Boisseau. Elle souhaite toutefois que l'Education nationale soit plus présente dans ces établissements et que des passerelles puissent être établies entre les différents modes d'accueil des enfants.
Pour Luc Ferry, ministre de l'Education nationale venu clôturer le colloque, « le droit à l'éducation pour tous ne doit pas rester une formule vide ». Aussi a-t-il demandé au député Yvan Lachaud un rapport sur l'intégration scolaire des enfants handicapés (voir encadré). Désireux d'amplifier le rôle des enseignants dans la prise en charge de ces enfants en classe, ainsi que dans les unités pédagogiques d'intégration et dans l'information des parents, il a demandé aux instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) de prévoir pour eux de nouveaux modules de formation initiale et de formation continue.
Formation des maîtres
Le ministre assure par ailleurs que des crédits seront affectés à un plus large recrutement d'auxiliaires de vie (pour lesquels le niveau bac ne sera plus exigé s'ils ont déjà une expérience) ainsi qu'aux transports et aux équipements adaptés aux différents handicaps.
En recentrant les responsabilités sur l'Education nationale, le ministère souhaite permettre la scolarisation des 10 000 à 15 000 enfants qui ne le sont pas encore et éviter les ruptures entre les différentes étapes scolaires. Il estime que ces intégrations bénéficieront aussi aux autres élèves : « Il n'y a pas de meilleure leçon d'instruction civique », dit-il.
Pour une prise en charge en réseau
Jean-François Mattei, qui participait au colloque de Marseille en tant que ministre de la Santé mais aussi en tant que pédiatre, a souligné l'importance d'une intégration précoce de l'enfant handicapé. En cela, l'annonce aux parents par le médecin du handicap de leur enfant apparaît comme un moment essentiel, qui conditionne le regard qu'ils porteront sur lui et la façon dont ils aborderont son intégration. « Ce n'est pas une consultation ordinaire, il faut pour cela une équipe de professionnels ayant la formation appropriée, du temps et beaucoup d'humanité. » L'intégration précoce dépend ensuite de tout un réseau comprenant les services hospitaliers, la médecine de ville, la PMI, les institutions spécialisées et les services sociaux, estime-t-il. Il souligne la nécessité pour les crèches et garderies de prévoir l'accueil de ces enfants, avant même leur scolarisation. « Le monde évolue doucement dans le sens de l'intégration, reconnaît-il, mais il va falloir le bousculer. » Le pédiatre pourra-t-il convaincre le ministre d'y mettre les moyens ?
La fin du parcours du combattant ?
A la demande des ministères de l'Education nationale et de la Santé, le député Yvan Lachaud à dirigé une commission sur l'intégration scolaire des enfants handicapés. Il vient d'en présenter à l'Assemblée nationale les grandes lignes, qui devraient entrer dans le projet de loi sur les personnes handicapées, dont la discussion commencera en décembre. « Les parents ne doivent plus vivre un parcours du combattant pour scolariser leur enfant handicapé : ils doivent pouvoir l'inscrire dans l'école, le collège ou le lycée le plus proche », explique-t-il. C'est cet établissement qui gérera alors le problème et leur fera des propositions : contrat individuel de scolarisation en classe ordinaire avec, éventuellement, un auxiliaire de vie, ou scolarisation collective en unité pédagogique d'intégration. Si le cas de l'enfant ne le permet pas, c'est l'Education nationale qui se chargera de trouver une scolarisation adaptée en dehors de son propre système, en faisant elle-même appel au circuit sanitaire, et assurera les éventuels passages d'un système à l'autre pour éviter toute rupture dans le cursus de l'enfant. Des liens et des passerelles seront de toute façon établis entre les instituts médico-pédagogiques et les classes habituelles, avec allers et retours encouragés entre les structures.
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