« Nous proposons que les femmes enceintes de jumeaux soient informées du risque qu'encourt leur second jumeau ainsi que d'un théorique et éventuel effet protecteur de la césarienne en cas de naissance à terme. » Gordon CS Smith (Cambridge) et coll., dans le « British Medical Journal », ont peut-être enfin apporté la réponse à une controverse remontant à plusieurs années.
De fait, il semble acquis pour la majorité des obstétriciens que le second jumeau court davantage de risques que son aîné. Notamment si l'on en croit des travaux publiés dans les années soixante. Mais des études ultérieures à plus grande échelle n'établissent qu'un léger sur-risque.
Les médecins britanniques, jugeant ces travaux plus récents entachés de biais, ont décidé de se lancer dans une vaste étude rétrospective sur les naissances gémellaires enregistrées en Ecosse de 1992 à 1997 et d'en croiser les données avec les registres des décès néonatals. Il apparaît ainsi une surmortalité chez le second jumeau, lors d'une naissance à terme (à partir de la 36e semaine). En revanche, en cas de prématurité (entre 24 et moins de 36 semaines), les deux bébés connaissent le même risque.
Neuf seconds-nés décédés
En Ecosse, donc, entre 1992 et 1997, 4 545 femmes enceintes d'au moins 24 semaines ont donné naissance à des jumeaux : 671 (14,8 %) par césarienne et 3 874 (85,2 %) par voie basse. Sur 1 438 naissances prématurées, en l'absence de césarienne, 23 premiers-nés et autant de seconds-nés sont morts en période périnatale. A partir de la 36e semaine, sur 2 436 naissances, aucun aîné n'est décédé contre 9 seconds-nés. La différence enregistrée entre les naissances prématurées et à terme est jugée significative par les auteurs (p = 0,007). Le risque absolu de décès périnatal pour le second jumeau né à terme se situe à 1 pour 270 naissances, toutes causes de décès confondues, à 1 pour 350 par anoxie au cours du travail et 1 pour 500 par anoxie liée à un autre mécanisme. L'anoxie au cours du travail a donc été responsable de 75 % des décès. Dans la plupart des cas, elle résultait d'un problème mécanique survenu après la naissance du premier jumeau.
Inclure les enfants mort-nés
Aux dires de ses auteurs, la validité de ce travail dépasse celles des études antérieures pour plusieurs raisons, qu'ils énumèrent. Tout d'abord, le nombre de grossesses gémellaires enregistrées. Avec plus de 4 500 paires, il a la puissance statistique suffisante pour faire apparaître l'implication de l'anoxie comme principal responsable. Ce que ne pouvaient démontrer les autres études, incluant moins de 1 000, voire 500, grossesses. Ensuite, l'enquête écossaise serait la seule à inclure les enfants mort-nés au cours du travail ainsi que les décès néonatals, tout en excluant les morts in utero. Les études excluant les mort-nés ont certainement sous-estimé le risque pour le second jumeau. En troisième lieu, les travaux antérieurs manquaient de stratification selon l'âge gestationnel : 16 % des jumeaux nés à 24 semaines décèdent contre moins de 1 % à terme. Enfin, l'étude rapportée ici fait une analyse par paires et non en basant ses calculs statistiques sur chacun des deux nouveau-nés séparément l'un de l'autre.
Reste à déterminer si la césarienne peut prévenir le risque pour le second enfant. Comme les auteurs ont enregistré trois décès par anoxie pour 1 000 grossesses et aucun lors de césariennes programmées, les calculs de probabilité imposent d'enrôler un minimum de 6 500 femmes dans une étude contrôlée pour pouvoir tirer des données fiables. D'où leur suggestion, pour l'instant, de simplement informer les femmes des risques et du possible intérêt de la césarienne.
« British Medical Journal », vol. 325, 2 novembre 2002, pp. 1 004-1 006.
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