De notre correspondante à New York
A l'opposé du préjugé qui veut qu'à une césarienne en succède une autre, chaque année aux Etats-Unis, environ 60 % des femmes, déjà césarisées, tentent la voie basse. Il persiste une inquiétude sur le risque de rupture utérine associé à la tentative de travail. On peut en effet redouter que, sous l'influence des contractions utérines, la cicatrice ne se rompe au cours du travail, exposant ainsi la mère et l'enfant à de graves complications (hystérectomie, lésion urologique, transfusion, décès de la mère et/ou de l'enfant, lésion neurologique de l'enfant).
Des études, voilà une dizaine d'années, ont été rassurantes sur la morbi-mortalité de l'accouchement naturel après une césarienne, mais d'autres, depuis, ont confirmé le risque de rupture utérine et ses complications associées.
Risque global de rupture, 4,5 pour 1 000
Une étude de Lydon-Rochelle et coll. apporte de nouveaux chiffres. Ils ont utilisé la large base de données de tout l'Etat de Washington (de 1987 à 1996) afin d'évaluer le risque de rupture utérine associé aux divers modes d'accouchement et déclenchements du travail. Leur analyse rétrospective porte sur plus de 20 000 femmes.
Le risque global de rupture est de 4,5 pour 1 000, conforme à celui formulé par d'autres études. Le risque de rupture chez les femmes qui subissent une seconde césarienne élective, autrement dit sans travail, est de 1,6 pour 1 000.
En comparaison, le risque associé au travail spontané est de 5,2 pour 1 000, soit 3 fois plus grand (RR = 3,3 ; IC 95 % : de 1,8 à 6). Celui associé au déclenchement du travail sans prostaglandines est de 7,7 pour 1 000, soit 5 fois plus grand (RR = 4,9 ; IC 95 % : de 2,4 à 9,7).
Mais le plus grand danger survient lorsque le travail est déclenché par les prostaglandines, avec un risque de 24,5 pour 1 000, soit 15 fois plus grand (RR = ????). Les investigateurs ne disposaient pas d'informations sur le type de prostaglandines utilisées dans leur cohorte de femmes. Mais ils ont examiné spécifiquement les accouchements effectués avant et après 1996, lorsque le misoprostol (analogue synthétique de la prostaglandine E hautement puissant) a commencé à être largement utilisé. Ils ont constaté que le risque associé aux prostaglandines est similaire durant les deux périodes. Cela suggère que le risque n'est pas limité à l'utilisation du misoprostol mais s'étend aussi aux autres prostaglandines.
Mortalité périnatale 5 fois plus élevée
Les 91 femmes de l'étude qui ont présenté une rupture utérine ont connu un taux beaucoup plus grand de complications du post-partum. Ce qui suggère que ces ruptures n'étaient pas de simples cas de déhiscence asymptomatique. En cas de rupture utérine, la mortalité périnatale est 5 fois plus élevée.
En particulier, l'incidence de décès infantile est 10 fois plus élevée chez les 90 femmes qui ont eu une rupture utérine que chez les 20 004 femmes indemnes (5,5 % contre 0,5 %).
« Etant donné ces risques potentiels, pourquoi une femme choisirait-elle une tentative de travail ? », s'interroge le Dr Michael Greene (Massachusetts General Hospital, Boston) dans un éditorial. « Celles qui réussissent à accoucher par voie vaginale ont généralement moins de gêne dans le post-partum, séjournent moins longtemps à l'hôpital et ont une période d'incapacité plus courte que celles qui subissent une seconde césarienne. Celles qui envisagent d'autres grossesses pourraient préférer éviter une seconde césarienne qui élève davantage encore le risque ultérieur de rupture utérine, de placenta accreta, et de morbidité liée aux multiples interventions chirurgicales abdominales. Enfin, il peut y avoir des raisons sociales et culturelles », explique-t-il.
Les risques et bénéfices d'un accouchement par voie basse après une césarienne doivent être discutés avec chaque femme. Elle doit prendre elle-même la décision, ajoute-t-il. Néanmoins, à la question : « Mais docteur, qu'est-ce qui est le plus sûr pour mon bébé ? ». La réponse du Dr Greene, après les résultats de Lydon-Rochelle et coll., serait catégorique : « une nouvelle césarienne élective ».
« New England Journal of Medicine », 5 juillet 2001, pp. 3 et 54.
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