On l'attendait depuis décembre dernier. Depuis que les Etats-Unis, pour protéger leur industrie pharmaceutique, avaient bloqué le dossier de la mise en uvre du paragraphe 6 de la déclaration de Doha sur l'accord de commerce relatif aux droits de propriété intellectuelle (TRIPS en anglais, ADPIC en français). Tout le monde était d'accord pour faciliter l'accès des pays pauvres à certains médicaments essentiels en cas d'épidémies, mais les maladies et les produits concernés, notamment, faisaient l'objet d'âpres discussions.
A l'approche de la conférence ministérielle de Cancun, au Mexique, du 10 au 14 septembre, les négociations, reprises à Genève, sont entrées dans une phase décisive. Et finalement, le compromis élaboré par cinq pays - les Etats-Unis, le Brésil et l'Inde, producteurs de génériques, le Kenya et l'Afrique du Sud, très touchés par le sida - a été adopté après moult rebondissements.
Pour le directeur général de l'OMC, le Thaïlandais Supachai Panitchpakdi, pas de doute, il s'agit d'un « accord historique ». « La dernière pièce du puzzle est tombée au bon endroit, permettant aux pays pauvres d'utiliser pleinement les souplesses des réglementations de l'OMC en matière de propriété intellectuelle afin de traiter les maladies qui ravagent leurs populations », ajoute-t-il.
Mais cela ne sera sans doute pas aussi simple. L'OMS, qui qualifie l'accord d' « encourageant », d'autant qu'il couvre tous les médicaments, estime que son impact dépendra de l'efficacité de son application. L'organisation recommande aux pays concernés de « passer en revue toute la gamme des médicaments proposés par de multiples fournisseurs, y compris les producteurs de médicaments génériques, avant de prendre leurs décisions d'achat ».
Trop compliqué ?
Les pays demandeurs de dérogations aux accords sur la propriété intellectuelle devront utiliser le système « de bonne foi », souligne l'OMC, et diverses clauses ont été prévues pour éviter le détournement du système au détriment de la protection des brevets dans les pays riches. Moyennant quoi, l'accord est jugé « équilibré » par la Fédération internationale des entreprises pharmaceutiques.
Les associations sont en revanche loin d'être enthousiastes. L'accord « est trop compliqué à appliquer et légalement peu clair », estime par exemple Oxfam. On peut en juger en se reportant au site Internet de l'OMC (www.wto.org). Et l'on devrait savoir bientôt, avec les premières demandes émanant de pays fortement touchés par le sida, si l'accord est vraiment « un grand pas en avant », selon l'expression du représentant américain au Commerce.
Ce que prévoit l'accord
- « L'expression "produit pharmaceutique" s'entend de tout produit breveté ou produit fabriqué au moyen d'un procédé breveté, du secteur pharmaceutique nécessaire pour remédier aux problèmes de santé publique tels qu'ils sont reconnus au paragraphe 1 de la Déclaration » (sur la propriété intellectuelle).
- L'accord prévoit que les produits concernés seront clairement identifiés par un étiquetage ou un marquage spécifique, « à condition que cette distinction soit matériellement possible et n'ait pas une incidence importante sur le prix ».
- Les pays importateurs devront prendre, « dans la limite de leurs moyens, des mesures raisonnables proportionnées à leurs capacités administratives et au risque de détournement des échanges pour empêcher la réexportation des produits » importés dans le cadre du système.
- Des mesures sont prévues pour « exploiter les économies d'échelle », c'est-à-dire faire bénéficier plusieurs pays de la mesure dans le cadre d'accords régionaux.
- A l'intérieur de l'OMC, le conseil des ADPIC réexaminera chaque année le fonctionnement du système.
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