La signature de l'accord entre les représentants des cliniques et la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, qui permet au total, pour 2001-2002, l'attribution de 3,1 milliards de francs (dont 1,7 milliard de mesures nouvelles) au secteur privé pour l'amélioration des salaires des personnels sur ceux de l'hôpital, soulève de nombreuses critiques et réactions négatives.
Le Collectif national des médecins exerçant en cliniques (CNMC) était à l'origine du mouvement de grève engagé avec la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) afin de demander 6 milliards de francs pour mettre les salaires du personnel du privé au niveau de ceux du public. Mais il n'était pas convié à la signature ; et il a immédiatement réagi en « ne donnant pas son quitus ».
« Il s'agit, certes, pour nous d'un réel succès, car la mobilisation de la coordination a fait le mouvement et la rapidité de l'intervention, concède le Dr Philippe Cuq, à la tête de la CNMC. C'est aussi une grande réussite dans l'histoire de la représentation médicale. En revanche, nous avons le sentiment qu'on aurait pu aller plus loin. »
La FHF : un sentiment d'injustice
Le Dr Cuq craint que les crédits débloqués soient insuffisants pour que la convention collective unique des cliniques, qui est en préparation, permette de rattraper les salaires du secteur privé sur ceux du public.
L'Association des cliniques indépendantes de France (ACIF), qui affirme représenter 100 établissements, considère le protocole comme « inacceptable » et demande « solennellement » la démission du président et du délégué général de la FHP.
De manière moins surprenante, la Fédération hospitalière de France (FHF), qui regroupe la quasi-totalité des hôpitaux publics, estime que les cliniques ont obtenu beaucoup. « Si on donnait la même chose aux hôpitaux en tenant compte de leurs charges financières, ce serait 25 milliards qu'il faudrait nous donner », réagit Gérard Vincent, délégué général de la FHF, qui évoque « le sentiment d'injustice » ressenti depuis plusieurs jours par les directeurs et les médecins du secteur public.
Tout en rappelant l'attachement de la FHF à la coexistence des deux secteurs, Gérard Vincent estime que « la part dominante occupée par les cliniques dans le domaine de la chirurgie pose le problème de la pérennité du système public et, à terme, de l'équilibre sanitaire du pays, cela uniquement pour des raisons de profit ».
Alors que les partis politiques de droite restent discrets, le Parti socialiste (PS) a « pris acte » de cet accord ; mais selon le Dr Claude Pigement, délégué national du PS à la Santé, « l'enveloppe de 1,7 milliard de francs qui a été dégagée n'est concevable qu'à trois conditions ».
La première condition est, pour le PS, « une réelle transparence de la gestion des fonds débloqués ». D'autre part, le Dr Pigement souligne la nécessité « d'orienter prioritairement cette aide financière vers les cliniques réellement en difficulté ». Enfin, les socialistes souhaitent « un ciblage de l'enveloppe sur la rémunération des personnels non médecins : aides-soigantes, infirmières et secrétaires ».
Les réserves de la « gauche »
Robert Hue, le candidat du Parti communiste français (PCF) à l'élection présidentielle, rappelle « les efforts et la détermination » des parlementaires communistes pour arracher une rallonge de près de 4 milliards de francs pour l'hôpital public, une rallonge « utile » mais « insuffisante » ; il constate que « le gouvernement cède 3 milliards aux dirigeants des cliniques privées sans se faire prier ».
« Cela est choquant et me conforte dans l'idée qu'il faut inventer de nouveaux rapports entre les secteurs privés et les secteurs publics », estime-t-il.
Pour Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière également candidate à la présidentielle, « l'argent de l'Etat ne doit pas servir à enrichir encore plus les propriétaires des cliniques privées ou les actionnaires des grands groupes qui ont placé là leurs capitaux ».
De leur côté, les personnels des cliniques restent circonspects. « Si vraiment on arrive à relancer ou redonner du sens à la négociation en cours, on est partants », a déclaré Yolande Briand, secrétaire générale de la CFDT santé-sociaux, en ajoutant : « Nous sommes prêts à travailler à l'amélioration des personnels (...) mais on ne peut pas faire confiance, a priori, aux patrons parce que, jusqu'à présent, l'argent n'a pas toujours été affecté à sa destination. » De même, FO appelle à la « vigilance », tandis que la CFE-CGC « attend que l'enveloppe soit rapidement utilisée conformément à son objet ». « Ce que propose la FHP est au ras des pâquerettes, c'est la copie conforme de ce que l'on avait autrefois », estime Marie-Cécile Rivalland, secrétaire fédérale CGT.
Le niveau des dépenses des cliniques pour 2001 relevé de 1,1 milliard de francs
Outre la prise en compte de plusieurs enveloppes ciblées représentant un montant total de 770 millions de francs, l'accord signé entre les représentants des cliniques et le ministère de l'Emploi et de la Solidarité précise que la négociation tarifaire de l'an prochain sera fondée sur un « rebasage de l'objectif 2001 à hauteur de 1,1 milliard de francs », portant la base de dépenses accordée aux cliniques pour cette année de 45,3 milliards à 46,4 milliards. « L'objectif quantifié national (OQN) des cliniques est fondé sur la comparaison entre réalisations et objectifs. Ce rabasage, qui a été négocié, nous donne une marge de manuvre pour 2002 et 2003, si nos réalisations sont supérieures à l'objectif fixé », explique-t-on à la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP). Les réalisations peuvent être supérieures à l'objectif, soit en raison d'une augmentation du chiffre d'affaires des cliniques, soit en raison de l'obtention de majorations de tarifs individuelles. C'est le cas, par exemple, si un établissement obtient la création de lits ou de postes de dialyse, ce qui a pour effet l'augmentation des dépenses maladie, et du même coup des recettes de la clinique. C'est pourquoi le texte précise que la négociation sera fondée sur « la prise en compte du recyclage qui pourrait être réalisée sur les résultats 2001 » et celle des « effets volumes », selon des modalités définies.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature