Les accidents sont la première cause de décès chez les petits Français âgés de 1 à 9 ans, avec un pic entre 1 et 4 ans. Même si le nombre de morts dans la population enfantine a baissé globalement, au cours des trente dernières années, la France se situe parmi les plus mauvais élèves au sein de l'Union européenne. En 1997, 401 enfants de 1 à 9 ans sont décédés* par accident.
Entre 1 et 4 ans, la route est en cause dans 30,4 % des accidents mortels pour les garçons et 34,8 % pour les filles. Dans la tranche d'âge des 5-9 ans, ces taux sont respectivement de 55,1 et 63,2 %. Et si l'implication des moins de 15 ans dans des drames de la circulation régresse (de 55 553 accidents en 1970 à 14 788 en 1999), le pourcentage de tués est en hausse (de 2,3 % en 1999, contre 1,8 % sept ans auparavant).
Pourquoi cette exception française ? Pour le Dr Anne Tursz, pédiatre et épidémiologiste, et Pascale Gerbouin-Rérolle, chercheur en santé publique, toutes deux de l'INSERM (unité 502, médecine, sciences, santé et société), la France souffre d'un déficit de recherche sur les accidents de l'enfant et d'évaluation des actions de prévention. Elles parlent de « freins » à l'amélioration de « la sécurité à l'environnement » et de démarches d'information et d'éducation.
Dans un ouvrage intitulé « les Accidents de l'enfant en France : quelle prévention, quelle évaluation ? » **, les deux chercheurs déplorent l'absence d'indicateurs plus fins que les taux de mortalité. Le taux de morbidité, par exemple, permettrait de connaître les conséquences des accidents non mortels. Sans compter qu'à ce jour, le recueil de données porte principalement sur la circulation routière.
Les accidents domestiques, scolaires, sportifs ou de loisir sont des parents pauvres de l'investigation épidémiologique. Dans ces conditions, comment mettre en place une prévention valable en direction des moins de 10 ans, si l'on veut qu'elle porte ses fruits chez les adolescents ? En effet, les accidents et la mortalité dans la jeunesse augmentent à partir de 15 ans, et d'ailleurs dans tous les pays.
Certes, la France dispose d'un arsenal préventif institutionnel puissant, reconnaissent Anne Tursz et Pascale Gerbouin-Rérolle. Il relève de plusieurs ministères, de structures dépendant de Matignon, comme la délégation interministérielle à la Sécurité routière, des organismes de Sécurité sociale et du secteur mutualiste. Mais, de leur point de vue, ce système « possède une organisation complexe sans stratégie globale », comme en témoigne le traitement séparé des accidents selon le cadre où ils surviennent (accidents de la circulation d'un côté et de la vie courante de l'autre), ce qui ne facilite pas l'étude des comportements face au risque.
L'information, enjeu majeur
En fait, des freins sont observés au niveau des mécanismes de sécurité et des normes , comme dans le champ de l'information et de l'éducation. Aucune loi n'oblige les cyclistes à porter un casque, mais il doit répondre à une référence NF pour être commercialisé. D'autres dispositifs de sécurité relèvent de la seule décision du fabricant. Il en est ainsi des médicaments, pour lesquels un emballage de sécurité n'est pas obligatoire, contrairement à ce qui se fait au Royaume-Uni. A contrario, des détecteurs de fumée, bien qu'ils soient disponibles sur le marché, ne sont pas imposés réglementairement pour l'habitat individuel.
Dans le domaine de la prévention, alors que, dans les pays anglo-saxons, on s'appuie sur la normalisation et la réglementation des objets, en France, on privilégie davantage les stratégies dites actives, qui sollicitent le public à travers des campagnes. Malheureusement, relève l'INSERM, les priorités d'action ne sont pas toujours définies à partir des connaissances acquises sur le degré de gravité des accidents. Il y a peu de campagnes faisant la promotion des dispositifs de retenue des enfants en voiture, alors que les accidents de bambins sont particulièrement graves.
De même, la mise en garde relative aux accidents de sport est fort discrète, bien qu'ils touchent 20 % des accidentés âgés de 5 à 14 ans. En conséquence, il serait souhaitable, dans les messages à faire passer, de prendre en considération non seulement l'âge, mais également l'environnement socio-culturel et matériel, et la langue maternelle de la population visée.
Les logements vétustes, par exemple, sont source d'accidents fréquents d'intoxication au monoxyde de carbone due à des chauffe-eau mal raccordés, d'électrocution à cause d'installations électriques archaïques, et de défenestrations dans les appartements sans garde-corps aux normes.
D'autre part, dans les recommandations aux parents, il faut éviter la culpabilisation et la diabolisation des comportements à risque. Pour écarter les intoxications médicamenteuses, mieux vaut utiliser des plaquettes ou des bouchons sécurisés pour les flacons, que de veiller à mettre systématiquement à l'abri les produits après chaque utilisation dans une armoire fermée à clé.
Dans tous les cas, « combiner éducation et sécurisation » relève d'une démarche communautaire associant enfants, éducateurs, parents, médecins et fabricants.
C'est pourquoi un programme à été mis en place à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) avec pour objectif la réduction de 25 % du nombre d'accidents d'enfants entre 1998 et 2002. L'opération repose sur une étude rétrospective répertoriant les accidents, et sur un suivi de l'évolution de la morbidité par le recueil des données auprès des urgences hospitalières et de la clinique privée implantées sur la commune.
En somme, c'est une « culture du risque et de la sécurité », sur le modèle de ce qui a été fait dans le domaine de la sécurité domestique dans les années quatre-vingt, que réclame l'INSERM. Les points clés à privilégier pour y parvenir sont l'aide à la recherche, le renforcement des stratégies de contrôle et de sanction, les actions de formation, d'information et de communication envers le grand public.
** Edit. INSERM, coll. « Questions en santé publique », 210 p., 160 F.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature