ROSELYNE BACHELOT donne aujourd'hui le coup d'envoi des états généraux de l'organisation de la santé (déjà bien nommés EGOS...), en installant le groupe permanent de concertation qui conduira les auditions et les travaux. L'occasion, pour « le Quotidien » de préciser le mode d'emploi et les enjeux de cette concertation nationale, qui risque de bousculer les habitudes et de faire bouger les lignes.
Qui participe?
Le gouvernement a désigné deux copilotes : Annie Podeur, directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS), et le Pr Yvon Berland, qui s'est illustré depuis 2002 par une demi-douzaine de rapports sur les professions de santé (lire les portraits ci-contre). Sous la férule de ces deux architectes se met aujourd'hui en place le groupe «permanent» de concertation qui conduira les auditions.
La composition de cet aréopage est riche d'enseignements. Outre le président de l'Ordre national des médecins, on y retrouve les présidents des quatre principaux syndicats médicaux représentatifs, autrement dit deux organisations signataires de la convention (CSMF, SML), mais aussi deux opposants farouches (MG-France, FMF), ce qui est une façon de leur redonner la parole sur les affaires de la profession. Comme prévu, les représentants des étudiants (ANEMF), des jeunes généralistes (SNJMG) des internes (ISNIH, ISNAR-IMG) et des chefs de clinique (ISNCCA) seront autour de la table : à l'origine, ces états généraux sont une réponse à la mobilisation des jeunes sur la liberté d'installation.
Les usagers et assurés n'ont pas été oubliés avec quatre représentants : l'Association des maires de France pour les élus ; Gaby Bonnand, en charge de la protection sociale à la CFDT ; Christian Saout, président de la Conférence nationale de santé et du CISS (usagers) ; et Gérard Raymond, le président de l'Association française des diabétiques (AFD). Enfin, ce conclave réunit des membres des directions ministérielles compétentes et un rapporteur.
Furieux d'en être exclus, les syndicats de médecins hospitaliers demandent à faire partie du comité de pilotage des états généraux. «La démographie et l'installation nous concernent aussi. A l'heure où l'on tend vers un exercice mixte public-privé, exclure l'hôpital de la réflexion n'a aucun sens», déclare le Dr Rachel Bocher, présidente de l'INPH.
Roselyne Bachelot a par ailleurs annoncé sans préciser qu'un deuxième groupe de travail rassemblerait les «autres professionnels de santé».
Le champ des auditions s'annonce large puisqu'elles concerneront «l'ensemble des professionnels et des acteurs de santé», y compris les parlementaires experts de ces questions.
Quel calendrier?
Le délai est plutôt serré compte tenu de la vocation large des états généraux.
Roselyne Bachelot a programmé une «séance plénière de restitution» des travaux le 4 février. Mais à la demande du député UMP Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales, cette grand-messe sera précédée par deux réunions en province à Rennes, le 25 janvier, et à Châlons-en-Champagne, le 1er février. Le calendrier prévisionnel des auditions (au cours de conférences intermédiaires) et des travaux sera précisé aujourd'hui. Un projet de planning a prévu trois dates : 13 décembre, 20 et 21 décembre (avec des séances de plusieurs heures à chaque fois). Restera l'essentiel : appliquer les propositions des états généraux (dans la loi ou la convention médicale).
Quels sujets, quels objectifs?
Le champ des états généraux n'a cessé de s'élargir en même temps que leur terminologie. On est passé des états généraux de la démographie (réponse à la polémique sur la liberté d'installation), à l'organisation des soins et, enfin, à l'organisation de la santé... «On peut tout mettre là-dedans, ça promet», décrypte un membre du groupe permanent. Lors des questions au gouvernement cette semaine, le député du Nouveau Centre Jean-Luc Préel a interrogé Roselyne Bachelot sur le contenu des états généraux : «Quels seront les thèmes? Permanence des soins? Formation initiale et continue? Installation? Accès aux soins? Dépassements d'honoraires? Rôle des complémentaires?»
La réponse de la ministre de la Santé a fusé : «Nous y discuterons de tous les sujets que vous avez évoqués...» Roselyne Bachelot est allée plus loin. Les réflexions de ces états généraux «rejoignent» le chantier de la transformation des agences régionales de l'hospitalisation (ARH) et de la définition des missions de l'hôpital.Et lors de la discussion parlementaire sur le PLFSS, la ministre avait estimé que la réflexion devait intégrer «les conditions d'exercice, la coordination ville-hôpital, les modes de rémunération».
Financement, gouvernance, accès aux soins, démographie, permanence des soins, maisons de santé, partage des tâches, formation initiale et continue, dépassements : sur le papier, difficile d'imaginer un spectre plus large. Il faudra faire le tri.
Dans un courrier aux membres du groupe permanent, Annie Podeur et le Pr Berland ont tracé leur feuille de route : un «diagnostic partagé» de l'organisation de l'offre de soins libéraleet de la répartition des professionnels (on n'échappera pas à un audit actualisé sur la démographie) ; des «propositions concrètes pour structurer l'offre de soins de premier recours» (la thématique ne déplaira pas à MG-France) ; enfin, une contribution pour les partenaires conventionnels sur «les moyens d'améliorer la répartition des professionnels de santé, notamment libéraux».
Quels enjeux?
Fondamentalement, l'objectif de cette concertation est d'obtenir un large consensus social sur les moyens concrets d'améliorer l'accès aux soins sur le territoire et d'empêcher la constitution de déserts médicaux.
De ce point de vue, le défi pour Yvon Berland et Annie Podeur consistera à trouver enfin le bon dosage entre les incitations et la coercition. Mais à l'évidence, les états généraux aborderont des dossiers traités habituellement dans la sphère conventionnelle (premier et deuxième recours, modes de rémunération, dépassements, PDS...).
Dès lors, ce rendez-vous où chacun s'exprimera prend un relief particulier alors que la convention peine à trouver un deuxième souffle.
Enfin, la réflexion des EGOS participe forcément du processus global de réformes 2008- 2009 sur le financement de la santé et la mise en place des agences régionales de santé (ARS). Un autre défi.
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